« On pouvait difficilement échapper à cette taxe »

Louis-Marie Kakdeu, PhD & MPA, enseignant-chercheur à l’Université de Maroua.


Une taxe sur les transferts d’argent par voie électronique est effective depuis le 1er janvier 2022. Pourquoi l’avoir instaurée seulement maintenant ?
Chaque année fiscale, tout gouvernement se met à la recherche de nouvelles niches. C’est donc normal que d’une année à l’autre, l’on ait de nouvelles taxes. En ce qui concerne la taxe sur les transferts d’argent au Cameroun, on ne pouvait que difficilement y échapper au regard des montants faramineux affichés par les transferts par an. Si nous rentrons deux ans en arrière seulement, les chiffres de la Beac font état de 10,833 milliards de F en 2020 et 12,150 milliards de F en 2021. Une telle transaction ne pouvait pas échapper au fisc. C’était déjà le cas dans plusieurs pays africains comme le Congo, le Gabon, la Côte d’Ivoire, l’Ouganda, le Ghana, le Kenya, voire le Sénégal.

A peine appliquée, cette taxe fait déjà l’objet de controverses, notamment en ce qui concerne la double imposition des opérations concernées, c’est-à-dire à l’envoi et au retrait. Cette levée de boucliers est-elle compréhensible ?
Au sujet de la levée de boucliers, il y a des confusions. Je me dois d’expliquer le principe fiscal en marge des considérations politiciennes. En effet, l’Etat taxe le capital ; l’Etat ne taxe pas le portemonnaie (électronique). Cela veut dire que celui ou celle qui paie une facture (Eneo, Camwater, etc.) ou son impôt ne sera pas taxé(e). Le problème au Cameroun est que beaucoup de paiements se font encore par voie de transfert or, le transfert suppose la mise à disposition d’un capital taxable. Il revient aux opérateurs économiques ou aux employeurs d’obtenir un compte de paiement pour éviter la taxe. Au sujet de la double taxation, il n’en est pas question dans la mesure où il y a un impôt à l’envoi et plutôt une taxe au retrait. La double imposition suppose que le capital imposé avait déjà reçu une première imposition de même nature. Par conséquent, on peut plutôt contester l’impôt à l’envoi comme au Gabon en faisant valoir que ce revenu avait déjà été imposé (cas des salaires par exemple). 

Une certaine opinion estime que cette taxe est une charge de trop pour le consommateur alors que les entreprises de téléphonie mobile continuent de s’enrichir. Cet avis est-il fondé ?
Oui, on dit que trop d’impôts tuent l’impôt. L’Etat s’attend à gagner environ 20 milliards de F mais, il faut dire que l’augmentation de la pression fiscale dans un contexte où l’augmentation des revenus ne suit pas, est de nature à engendrer des effets pervers. Il y a risque de provoquer un nouveau comportement de thésaurisation. Dans tous les cas, il faut noter que cela contribuera au renchérissement du coût de vie déjà observé selon l’INS même si l’administration fiscale, quant à elle, minimise l’impact sur la consommation.

D’aucuns déplorent également le mutisme des opérateurs de téléphonie mobile sur les nouveaux tarifs que cette taxe induit. Comment comprendre leur attitude ?
Le mutisme des opérateurs de téléphonie s’explique par le fait que cette nouvelle taxe ne les touche pas. Ils vont continuer de prélever leurs traditionnels frais de transfert et se contenter à majorer la taxe de l’Etat. En effet, c’est le consommateur qui paiera le prix fort.

La loi de finances prévoit en outre une taxe spéciale...

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