Conflits et pression des puissances étrangères sur l’Afrique : le panafricanisme comme bouclier ?

Il y a 50 ans mourrait Kwame Nkrumah, figure de proue de l’idéologie panafricaniste. Le cinquantenaire de sa disparition intervient au moment où le monde connait de plus en plus des tumultes liés à divers conflits armés sur la planète. Le dernier en date est celui opposant la Russie à l’Ukraine, soutenue par le bloc européo-américain. Alors qu’elle-même n’a pas fini de panser les plaies causées par les différentes guerres qui la rongent depuis des décennies, l’Afrique se voit presqu’imposée de choisir son camp dans le cadre d’un conflit auquel il n’est pas directement lié. Historien de renom, le Pr Daniel Abwa analyse cette situation pour CT et explique en quoi le panafricanisme pourrait être bien utile au continent africain à qui l’on veut continuer de dicter sa démarche, plus de soixante ans après les indépendances.


Le 27 avril 2022 a marqué le cinquantenaire du décès de la figure de proue du panafricanisme, le regretté président ghanéen Kwame Nkrumah. Quel était le projet défendu par cette idéologie et qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
Tous les experts s'étant penchés sur cette idéologie savent que c'est dans les Amériques et les Caraïbes l’idéologie panafricaniste est née à partir des conférences panafricanistes et qu’elle est passée par l’Europe avant d'atteindre l’Afrique. Des grands noms comme ceux de W.E. B. Dubois, Booker T. Washington, Marcus Garvey, George Padmore -pour ne citer ceux-là- y ont largement contribué. Après avoir assisté à la dernière conférence panafricaniste hors d'Afrique, à Manchester en 1945, Kwame Nkrumah s'approprie cette idéologie et la transporte en Afrique, en 1953 à Kumasi, en Gold Coast et en 1958 à Accra au Ghana (ancienne Gold Coast débaptisée au moment de l'indépendance de ce pays en 1957). C'est au cours de la conférence de 1958 que Nkrumah invite ses pairs africains à adopter « une politique africaine » pour une Afrique UNE et SANS FRONTIÈRES. Et pour cela, elle doit s’unir. Il s’inspire, pour ce faire, de l’idée panafricaniste lancée par Marcus Garvey qui invitait tous les Noirs de la diaspora à retourner en Afrique pour y bâtir un « gouvernement de l’homme noir » avec « son roi » et « son royaume ». Fidèle à cette idéologie panafricaniste, Kwame Nkrumah n’hésite pas de créer un embryon de cette Afrique unie en formant le 1er mai 1959 une union avec la Guinée. Union à laquelle va se joindre le Mali le 24 décembre 1960. C’est grâce à Nkrumah qu’en mars 1963 est adoptée la charte qui crée l’Organisation de l’unité africaine (OUA), même si son idée d’une Afrique sans frontières a été remplacée par une Afrique des Etats devant respecter les frontières héritées de la colonisation. Sans aucun doute, Kwame Nkrumah est bien le père de l’idéologie panafricaniste et ce qu’il en reste aujourd’hui. Union africaine (UA) comme hier OUA ne sont que des avatars de sa grande idée.
Après le décès de Kwame Nkrumah, d’autres leaders panafricanistes tel que Mouammar Kadhafi ont essayé de reprendre le flambeau. Pourquoi cette entreprise n’a pas marché ?
Avant la conférence de Syrte qui a vu Mouammar Kadhafi redonner vie à l’OUA moribonde par la création de l’UA, les rencontres des chefs d’Etat africains étaient considérés par beaucoup comme un lieu où ces hommes au sommet de l’Afrique se rencontraient pour se congratuler d’être encore chefs d'Etat dans leur pays. L’Union africaine a donné l’impulsion d’un réveil africain, malheureusement combattu par ceux-là même qui se sont partagés l’Afrique au congrès de Berlin. En assassinant Kadhafi qui était prêt à mettre ses ressources financières au service de l’Afrique en créant un véritable fonds monétaire africain, un satellite africain -pour ne citer que ces deux cas- et réduire par ce fait même la dépendance des Africains aux fourches caudines du FMI, et libérer les communications entre Africains, ces bourreaux de l’Afrique ont tué dans l’œuf cet immense espoir d’une Afrique gagnante que voulait Kadhafi.
L’actualité internationale des dernières semaines est marquée par le conflit russo-ukrainien. Et comme toujours, l’Afrique se voit sommée de prendre position en faveur de tel ou tel camp dans un conflit qui ne la concerne pas directement. Comment appréciez-vous la posture des Etats africains depuis le déclenchement de cette guerre en Europe ?
L’arrogance des Occidentaux à l’endroit de l’Afrique n’a jamais cessé d’exister malgré les indépendances africaines sans rupture réelle avec les anciens colonisateurs et les nouveaux « maîtres du monde ». Ils ont créé le néologisme « néocolonialisme » pour se convaincre et convaincre les Africains que la colonisation n'est guère terminée. Ils ont inventé le paradigme de « développement » alors qu'ils ne parlaient que de « mise en valeur » pendant la colonisation pour faire accepter aux Africains qu'ils sont « sous-développés » ou « en voie de développement » et que leur seule chance d'être « développés » c'est d'accepter les aides au développement. Le conflit russo-ukrainien vient contredire ces réalités, car la Russie dit au monde que la supposée suprématie occidentale est une chimère pour ce qui est de leur volonté de faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN et en faire un ennemi de la Russie aux portes m&e...

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