« Les mesures à court terme du gouvernement sont efficaces »

Pr Henri Ngoa Tabi, économiste.

Quel est aujourd’hui l’impact de la crise russo-ukrainienne sur l’économie camerounaise ?

L’impact de la crise russo-ukrainienne est très négatif sur l’économie camerounaise du fait de la flambée des prix des produits agricoles et des hydrocarbures, entre autres. En effet, il faut noter que le monde est aujourd’hui régi par l’économie néolibérale qui sacralise le fonctionnement du marché à travers quatre principes fondamentaux à savoir, la notion de liberté, la défense de la monnaie, les privatisations et enfin le retrait de l’Etat de toute activité ayant trait au marché. Les théoriciens du néo-libéralisme et du monétarisme nous expliquent que l’économie néo-libérale fonctionne le plus souvent très bien. Cependant, ils soulignent que cette économie est toujours perturbée par des chocs. Ainsi, dans cette économie mondialisée ou globalisée, des chocs qui se produisent au pôle nord auront des répercussions au pôle sud. Dès lors, dans les scénarii de développement, il faut donc prévoir que les chocs viendront le plus souvent perturber les principaux indicateurs de l’économie. Par conséquent, il faut anticiper tous ces chocs à venir en mettant en œuvre la transformation structurelle comme le prévoit la Stratégie nationale de développement (SND30).

Cette crise a par ailleurs contribué à gonfler l’enveloppe des subventions des produits pétroliers au Cameroun. Les finances publiques pourront-elles tenir?

Les finances publiques du Cameroun auront du mal à tenir en général. D’autant plus qu’à mesure que la crise perdure, le stock de devises du Cameroun fond comme neige au soleil. C’est ce stock de devises qui nous permet d’acheter les hydrocarbures à l’extérieur. D’après une étude que nous avons réalisée avec African Centre for Economic Transformation en 2014, le taux des exportations compétitives du Cameroun hors pétrole est de l’ordre de 20% ! Ça veut dire que le Cameroun n’exporte pas grand-chose ! Il est à noter que depuis la nuit des temps, le premier produit d’exportation du Cameroun hors pétrole demeure toujours le cacao même quand la production de ce cacao a été totalement abandonnée pendant les années 1990-2000. Notre balance commerciale est donc déficitaire du fait que le Cameroun ne produit pas grand-chose et n’exporte pas grand-chose pour accumuler des recettes en devise.

Le conflit a aussi exposé davantage la dépendance du Cameroun vis-à-vis des produits importés dans ces deux pays. Dans quelles mesures peut-on accélérer la mise en œuvre de l’importsubstitution ?

Le problème n’est pas la mise en œuvre de l’import-substitution. Le problème actuellement est plutôt la stratégie de développement du Cameroun. Que veut-on substituer exactement? Pour faire quoi ? Tout ceci doit être fait dans une stratégie globale bien définie avec pour colonne vertébrale, la transformation structurelle. Or, tel que l’import-substitution est présentée, il ressort que notre économie est toujours dans la défensive et non dans l’offensive. Nous importons beaucoup de riz, alors il faut produire du riz. Nous importons beaucoup de poisson alors il faut en produire. Quand allons-nous véritablement mettre en exergue nos avantages comparatifs pour être dans l’offensive, exporter et accumuler des devises ? Dans quel type de production sommes-nous compétitifs ? A quand la mise sur pied des préalables administratifs de la mise en œuvre de la SND30 qui permettront d’affiner notre stratégie de développement ? Le ministère de l’Economie et de l’Aménagement du territoire dans sa publication N°003 de mai 2021, relève qu’il y a « la nécessité de mettre en place une structure de pilotage et de suivi-évaluation. Il s’agit du Conseil national de planification et d’aménagement du territoire, qui, en plus des autorités publiques, comptera dans ses rangs des représentants du secteur privé et de la société civile. Cette superstructure chapeautée par le Premier ministre chef du gouvernement aura pour missions principales de superviser la mise en œuvre de la stratégie; définir les plans de mobilisation des ressources nécessaires ; valider les programmes des différentes administrations publiques à exécuter au titre du plan d’actions prioritaires de la stratégie et orienter en conséquence la programmation budgétaire; apprécier les résultats, les effets et impacts de la mise en œuvre de la stratégie sur le développement économique et social du pays, à travers le suivi régulier des indicateurs clés. » De surcroît, « il faudra préalablement adapter pas moins d’une cinquantaine de stratégies sectorielles à la nouvelle stratégie nationale de développement, avec en prime l’adoption d’une loi portant cadre général de la planification.» Accélérer la mise en œuvre de l’import-substitution sans toutes ces mutations nous paraît être une véritable gageure.

 Le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour atténuer l’effet de cette guerre en Europe de l’Est sur les consommateurs. Quelle lecture faites-vous de l’efficacité de ce soutien?

Dans une situation très perturbée par de multiples chocs, le gouvernement doit prévoir des scénarios à court et ...

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