« Le Cameroun doit adopter une politique plus ambitieuse de production des céréales »

Dr Patrice Ongono, économiste, enseignant à l’Université de Yaoundé II-Soa.

2022 n’a pas été une année facile pour le Cameroun. Quel bilan de santé pouvez-vous dresser de la situation du pays alors que l’année s’achève ?
Faire le bilan économique de l’année à cette période est un peu difficile parce les statistiques économiques ne sont pas encore disponibles et accessibles au grand public. Sur la base des prévisions, on peut dire que le bilan économique de l’année 2022 est mitigé. La loi de finances 2022 s’appuyait sur un taux de croissance à 4%. On peut donc se féliciter que malgré un environnement économique international particulièrement difficile et marqué par le conflit russo-ukrainien, les prévisions faites par la Banque mondiale au 29 septembre 2022, situent le taux de croissance économique autour de 4% en 2022 au Cameroun. Par contre, il faut déplorer l’importante hausse du coût de la vie qui a érodé le pouvoir d’achat des ménages et accru leur vulnérabilité. Même si ces pressions inflationnistes peuvent en partie s’expliquer par le conflit en Ukraine qui a eu un impact significatif sur les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, elles témoignent tout de même des difficultés structurelles de notre économie à satisfaire la demande intérieure, surtout pour ce qui concerne les produits de grande consommation.  

L’année a néanmoins été marquée par la finalisation de certains grands projets énergétiques, notamment la ligne de transport de Memve’ele, l’interconnexion RIE/RIS, entre autres. Quel impact ces initiatives pourraient-elles avoir sur l’activité économique ?
Lorsque tous les postes de transformation sont opérationnels, le raccordement de l’électricité produite au barrage de Memve’ele permet d’injecter environ 211 MW dans le Réseau interconnecté-sud (RIS). Le déficit d’énergie ne permet pas aux entreprises, notamment celles du secteur industriel, de fonctionner à pleine capacité : ce qui les contraint à réduire leur production. Il est donc attendu que le raccordement de la centrale de Memve’ele au RIS vienne booster les activités des industries manufacturières qui sont concentrées à Yaoundé et à Douala. Cette augmentation de la disponibilité de l’énergie devrait permettre au secteur industriel d’exercer pleinement des effets d’entraînement, non seulement sur l’agriculture qui est la mamelle nourricière de l’industrie, mais aussi sur le commerce et les services.

Le Cameroun a aussi effectué avec succès ses premières exportations dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine. Après ce bon départ, comment assurer une présence permanente sur ce marché prometteur ?
Pour assurer une présence permanente des entreprises camerounaises sur ce vaste marché continental, certains obstacles doivent être éliminés avec l’accompagnement des pouvoirs publics. Parce que même si ce sont les entreprises qui sont au premier plan dans les échanges, le commerce international est un commerce stratégique derrière lequel se cachent les Etats qui soutiennent les entreprises nationales. L’accompagnement des pouvoirs publics doit porter entre autres sur la sensibilisation et la vulgarisation des opportunités commerciales qu’offre la ZLECAF, la progression des entreprises camerounaises dans les chaînes de valeur continentale pour qu’elles ne restent pas au stade de la production des matières premières, l’allègement des procédures d’exportation des marchandises, le contrôle rigoureux des normes sanitaires et phytosanitaires pour s’assurer de la qualité des produits exportés et préserver le label Cameroun, l’amélioration de la connectivité du pays par un relèvement de la qualité des infrastructures portuaires et aéroportuaires, l’élimination des obstacles à l’entrepreneuriat féminin, etc.

Cette situation difficile ne constitue-t-elle pas une aubaine pour la politique d’import-substitution, pilier de la Stratégie nationale de développement (SND30) ? 
La politique d’import substitution avait déjà été expérimentée au Cameroun au lendemain des indépendances. Mais avec la mise en place de la ZLECAF, la politique d’import-substitution de la SND30 devrait avoir a priori plus de succès que celle qui avait été expérimentée dans les années 1960. L’objectif était de remplacer les importations par une production destinée à satisfaire le marché domestique. Etant désormais dans un même marché, il s’agira désormais pour les entreprises camerounaises de remplacer les importations africaines par une production camerounaise. La guerre en Ukraine met en lumière toute l’importance de cette politique d’import-substitution et la nécessité de renforcer la politique des agropoles qui avaient déjà été expérime...

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