« Notre secteur privé regorge des chefs d’entreprise plus enclins à la capture de rente»

Pr Désiré Avom, économiste.

Le 05 avril dernier, deux principaux mouvements patronaux du Cameroun ont décidé de fusionner. Qu’est-ce qui a pu motiver un tel rapprochement ?
Il convient de rappeler que le mouvement patronal fait partie avec les économistes, les électeurs, la bureaucratie et plus récemment les dissidences politiques de ce qu’on nomme en politique économique groupe de pression ou groupe d’influence, ou lobbies. Il exerce une activité d’influence ou de pression sur le gouvernement. En effet, il faut savoir que les individus comme tels n’ont aucune possibilité d’agir sur le processus du gouvernement entendu comme les différentes phases allant de la construction des politiques publiques à leur mise en œuvre, jusqu’à l’évaluation. Ils ne peuvent agir qu’à travers des groupes de pression avec pour centre d’analyse l’idée d’intérêt qui lie les membres du groupe. Il s’agit donc d’une attitude relative à quelque chose à acquérir ou au but à réaliser, attitude qui peut être partagée dans la mesure où plusieurs individus peuvent viser la même chose. Le groupe de pression existe précisément pour obtenir quelque chose, pour répondre au besoin correspondant à l’intérêt autour duquel, il se cristallise et cela se traduit par la pression qu’il exerce sur son environnement. En diversifiant les préférences des citoyens, les groupes de pressions contrôle l’action gouvernementale qui ne se fait plus uniquement par les parlements. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la fusion des deux principaux mouvements patronaux. Il s’agit, en fait, si mes souvenirs sont exacts d’un retour à la case de départ, puisque ses deux groupes en constituaient un il y a plusieurs années. La principale motivation qui peut justifier cette fusion est la question d’efficacité. On peut également imaginer que les divergences ayant été à l’origine de l’éclatement initial se soient dissipées. Un patronat unit constitue une force homogène de négociation pouvant infléchir sur certaines propositions de politique économique.  

Dans le cadre du Cameroon Business Forum, le dialogue public-privé n’a pas produit les résultats escomptés au bout de plusieurs années. La fusion Gicam-Ecam donnera-t-elle plus de force au secteur privé pour que ses propositions de réformes de ce cadre de concertation soient mieux prises en compte ? 
Je ne pourrais pas aller jusqu’à cette extrême en affirmant que le Cameroon Business Forum n’a pas produit des résultats attendus. Pour bien répondre à cette question, il faut connaitre préalablement les objectifs qui lui étaient fixés à sa mise en place. A l’observation, il semble que sa mission principale était de créer un espace de dialogue et d’échange d’information. Le gouvernement devant faire connaitre ses différentes actions en faveur du secteur privé, ainsi que les contraintes qui lui sont propres, notamment celles liées à l’incertitude de l’environnement avec la récurrence de chocs à la fois exogènes et endogènes qui limitent fortement son action. Le secteur privé exposant ses difficultés et ses attentes pour améliorer leur contribution à la création de la valeur et des emplois décents. Je crois que la simple existence d’un tel espace de dialogue dans notre pays est une réussite. Dans certains pays ces espaces n’existent pas, où sont fortement contrariés par des divergences profondes.

Les secteurs public et privé ne doivent-ils pas se regarder dans les yeux pour que chaque partie s’engage à assumer sa part de responsabilité dans le cadre de la relance économique ? 
Bien sûr, je ne dirais pas seulement se regarder dans les yeux, ils pourraient se faire peur mutuellement. Il devrait regarder dans la même direction. L’expérience des pays en développement montre que le développement ou l’émergence d’un pays n’est pas possible dans un contexte de relation conflictuelle entre les deux secteurs. L’Etat est en avant-garde du développement en investissant préalablement dans les secteurs stratégiques et créant les conditions pour l’émergence d’un secteur privé qui prend efficacement le relais dans la production de certains types de biens.

Qu’est-ce qui devrait ê...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie