« La semence est à la base de tout »

Dr Armand Nsimi Mva, chef de station spécialisée sur le palmier à huile de la Dibamba.

Quel est l’état de la production de palmier à huile au Cameroun ?
Originaire du Golfe de Guinée, le palmier à huile poussait spontanément dans la zone forestière du Cameroun. Exploitée artisanalement par les communautés locales depuis plusieurs décennies, sa culture ne débute qu’au début du XXème siècle avec la création des premières plantations coloniales pendant le protectorat allemand. Depuis le début des années 1990 et consécutivement à la mise en place des programmes d’ajustement structurel, on note un essor du secteur villageois et artisanal. Les élites urbaines constituent les principaux acteurs de cette dynamique, soutenue en aval par le foisonnement des industries de seconde transformation d’huile de palme brute, en association avec la croissance démographique et l’élévation du niveau de vie des populations. A ce jour, la production nationale est estimée à 450 000 tonnes d’huile par an en 2020, 360 000 tonnes en 2022. En ce qui concerne l’importation, elle est de 393 000 tonnes en 2022. Les bassins de production sont les régions du Littoral, du Sud-Ouest, du Nord-Ouest, du Centre (surtout dans le département du Nyong Ekelle), le Sud et l’Est. Dans ces régions, on trouve des agro-industries ainsi que des plantations villageoises. L’Irad livre des variétés 100% tenera (c’est une variété réputée de fort potentiel de rendement). 
Je voudrais inviter tous ceux qui veulent se lancer dans la culture du palmier à éviter d’acheter la semence, partout de peur d’avoir des champs que nous appelons des « tout-venant », c’est-à-dire composés de tout type de variétés qui ne produisent pas assez. Je conseille à tous de se rapprocher de la station spécialisée de recherche sur le palmier à huile de la Dibamba parce qu’ils y trouveront de bonnes semences.  

Malgré les potentialités le pays importe toujours de l’huile de palme. Pourquoi ?
Très souvent, lorsqu’on aborde cette question, toute de suite, l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad) est pointé du doigt parce qu’on veut toujours lier l’importation d’huile de palme à l’indisponibilité des graines à la base de la création des palmerais. J’ai essayé de faire de petites statistiques sur la quantité des graines germées puisque tout part des graines. J’ai constaté que l’Irad est la seule institution qui a mis à la disposition des planteurs durant ces 12 dernières années (2010 à 2022), une quantité importante de semences de qualité. Nous tournons autour de 18 à 19 millions de graines germées mises à la disposition des petits et grands planteurs de palmier à huile. Donc nous avons contribué en moins de 12 ans à la création d’au moins 100.000 hectares de palmeraies. La question qu’on devrait donc se poser est quel est l’état de ces palmerais potentiellement créées. Ces champs ont-ils été suivis ? L’itinéraire technique a-t-il été respecté par les planteurs ? Est-ce que la fertilisation est effectuée comme il se doit ? Je pense que le véritable problème ne serait peut-être pas la non disponibilité des graines parce qu’elles existent, mais le suivi des graines que l’Irad livre aux différents planteurs.

Que faire pour inverser la tendance ?
Il y a un adage qui dit que la semence est à la base de toute chaîne alimentaire : « Celui qui contrôle la semence, contrôle la chaine alimentaire, les peuples et le pouvoir ». En ce moment, nous avons au moins 3,5 millions de graines de variété améliorée stockée dans nos magasins. Ces graines n’attendent que d’être envoyées dans la salle de germination pour produire des graines germées à livrer aux clients qui auront au préalable passé leur commande quatre mois avant. Il faudrait que le gouvernement continue à soutenir la recherche, pour que les chercheurs continuent à mener leurs activités pour mettre sur pied des variétés plus performantes ayant des rendements aussi élevés. L’Etat devrait mettre un accent sur l’accompagnement des petits planteurs qui représentent près de 80% dans ce secteur, en leur apportant de l’engrais, des produits phytosanitaires. Si nous prenons des pays comme l’Indonésie, la Malaisie, qui sont les premiers producteurs mondiaux, on se rend compte que pour atteindre sept tonnes d’huile par hectares et par an, il faut au moins huit à douze kg d’engrais par pied de palmier à huile et par an. Ce qui veut dire que pour un hectare, il faut entre 1144 à 1716 kg d’engrais par an. C’est l’équivalent de 23 à 34 sacs de 50kg d’engrais pour un coût avoisinant 805 000 F à 1 190 000 F si le prix du sac est de 35...

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