« Les chances de mettre en échec le M23 sont limitées »

Dr Serge Christian Alima Zoa, internationaliste, Centre de recherche et d’études politiques et stratégiques (CREPS) de l’Université de Yaoundé II-Soa.

La force régionale de la communauté des Etats de l’Afrique de l’Est vient d’être déployée dans le Nord –Kivu à l’effet de faire respecter le cessez le feu et de mettre en échec le M23 dans cette province en proie aux groupes armés. Au regard de sa composition, de son mandat et des moyens mis à sa disposition, pensez-vous qu’elle sera à même d’atteindre cet objectif ? 
Depuis mars 2022, la République démocratique du Congo, en particulier dans sa province orientale du Nord-Kivu, ayant pour chef-lieu la ville de Goma, qui borde le Rwanda et l’Ouganda, est affectée par des crises politiques, sécuritaires et humanitaires liées aux conflits armés entre les structures militaires nationales de sécurité, notamment les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et une multitude de milices parmi lesquelles les forces démocratiques alliées (AFD), affiliées à Daech, la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et surtout le Mouvement du 23 mars (M23) à majorité tutsis et « proxy» du Rwanda. Ceci a conduit à diverses poches de tensions dans plusieurs localités dont certaines ont abouti au contrôle intégral, notamment celle de Rutshuru, par le M23. Après une apparente accalmie, la situation sécuritaire est restée fragile marquée ces dernières semaines par une intensification des opérations militaires entre les Forces armées congolaises et les groupes armés du M23 qui se battent pour étendre leur contrôle sur d'autres territoires, notamment ceux de Masisi et de Lubero. L’Organisation des Nations unies (ONU) affirme que le conflit a déjà contraint plus de 300 000 personnes à quitter leur foyer le mois dernier. La force régionale de la communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC) comprenant des soldats kenyans, burundais, ougandais et sud soudanais en plus de celle des Nations unies (MONUSCO) présente en RDC, réminiscence de l’armée de plusieurs pays ayant mené la guerre dans l’Est de la RDC, il y a plus de 20 ans, surnommée « la guerre mondiale de l’Afrique », malgré un retrait apparent du groupe armé M23 de certaines localités comme Kibumba, n’est pas parvenue à mettre fin aux combats. Il en est de même des autres modalités, d’une part, de la médiation angolaise par le déploiement d’une unité militaire pour aider à sécuriser les zones tenues par ledit groupe rebelle et protéger les contrôleurs du cessez le feu, d’autre part, de la visite de la visite du Conseil de sécurité de l’ONU à Goma en mars dernier.  En rappel, depuis la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23) en fin 2021, au moins trois cessez-le-feu ont déjà été décrétés, mais aucun n’a été respecté dont celui en vigueur directement négocié entre les différents protagonistes pour le 07 mars 2023 par le chef de l’Etat angolais, Joao Lourenço, médiateur mandaté par l’Union africaine (UA).  Au bout du compte, il est important de souligner la poursuite de l’impasse, au regard de la liturgie de conflictualité prégnante, d’autant plus que la force régionale de la communauté des EAC ne rassure pas et est accusée d’inaction par les populations. En effet, bien que disposant d’un mandat « offensif », comme rappelé par Christophe Lutundula, le ministre congolais des Affaires étrangères, la force régionale n’a jusqu’ici pas encore ouvert officiellement le feu contre le M23. En conséquence, les chances du contingent africain de faire respecter ce énième cessez-le-feu ou de mettre en échec ledit groupe armé sont donc limitées. 

Chose curieuse, le Rwanda, régulièrement accusé par la RDC de soutenir le M23, ne fait pas partie de cette force constituée de troupes ougandaises, burundaises, kényanes et sud-soudanaises. Qu’est ce qui peut bien expliquer cette absence ? 
L’absence du Rwanda, pourtant membre à part entière de la Communauté des EAC au sein de cette force régionale peut se justifier, par la récurrence des accusations de belligérance contre le pays du président Paul Kagame. Déjà en 2012, un rapport au Conseil de sécurité de l’ONU montrait que le M23 bénéficiait d’un soutien important militaire, financier et politique de la part de membres hauts placés du gouvernement rwandais y compris du ministre de la défense et du Chef d’Etat-major des forces de défense de ce pays. Selon l’ONG Human Right Watch, certaines autorités rwandaises pourraient être considérées comme complices de crimes de guerre, en raison de l’appui militaire continu qu’elles apportent au M23.  Pour l’appareil gouvernant de la RDC conduit par le président Felix Tshisekedi, ladite milice se confond facilement avec l’armée rwandaise, en rappelant le nombre important de cessez-le-feu violés. Lors de sa visite à Goma avec le Conseil de sécurité de l’ONU, l’ambassadeur Nicolas de Rivière, représentant permanent de la France au sein de cette entité, a déclaré qu’il n’est plus à démontrer qu’il y a des incursions de l’armée rwandaise dans le nord Kivu, bien que quelques jours auparavant, alors en visite à Kinshasa, Emmanuel Macron, son chef d’Etat, avait évité d’indexer Kigali. Toutes ces suspicions sont de nature à contrarier une intégration aisée du Rwanda au sein d’un contingent armé Est afr...

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