« La transformation ne souffre pas »

Dr Sodwe Mbraougwe, conseiller technique de la Confédération nationale des éleveurs de bétail du Cameroun.

Qu’est ce qui empêche la filière lait de produire en quantité et en qualité pour satisfaire la demande locale ?
C’est l’action combinée de plusieurs facteurs qui fait que la demande en lait local reste loin d’être satisfaite. D’un côté, il y a du lait en abondance sans preneur et de l’autre côté, il y a des gros preneurs dont la demande effective reste non satisfaite. Mais en cette période (juillet, août et septembre), certains bassins de production vendent le litre de lait à 100 F. D’autres éleveurs traient le lait et le versent, juste pour libérer la vache et éviter que son veau soit atteint de la diarrhée du lait. Néanmoins, les freins sont d’ordres multiples. On peut citer le matériel génétique animal peu approprié à la production laitière (nos vaches locales sont peu productives et atteignent rarement six litres de lait par jour) ; une alimentation insuffisante et parfois non adaptée à la production lait. Il faut également mentionner la couverture sanitaire qui reste aussi problématique. Certains éleveurs veulent vacciner et parfois il y a rupture de vaccins tandis que d’autres, jusqu’aujourd’hui, sont réfractaires à l’organisation des campagnes de vaccination. Cette interaction fait que les maladies perdurent et par conséquent, agissent négativement sur le taux de production du lait. À cela s’ajoutent l’enclavement des zones de production et un mode d’élevage plus ou moins traditionnel.

Vous avez adressé un plaidoyer au ministre en charge l’Élevage dans lequel vous souhaitez un plus grand accompagnement de l'État. Comment cela peut-il se faire concrètement ?
Nous souhaitons avoir l’accompagnement de l’Etat sur toutes ses formes. D’abord, le renforcement de capacités des éleveurs laitiers avec des voyages d’études et l’accès aux financements. Il faut aussi vulgariser les outils d’insémination et mettre à la disposition des éleveurs des géniteurs améliorés. La Caisse de développement de l’élevage de l’Extrême-Nord a déjà commencé à mener les actions dans ce sens et nous souhaitons que ce genre d’initiatives se multiplie.  
L'une des recommandations formulées par votre confédération à l’endroit du gouvernement porte sur le renforcement des taxes douanières sur les produits importés.

 En quoi cette mesure peut-elle être pertinente ? 
Nous voulons simplement que le gouvernement mette en application ce que lui-même a proposé dans la politique de l’import-substitution. Si on augmente les taxes douanières, le lait et les produits dérivés issus de l’importation seront plus chers et les consommateurs se verront obliger d’acheter le lait local. Essayez de voir le rapport de 2022 sur le montant cumulé pour l’importation du lait par le Cameroun. Ça se chiffre à des centaines de milliards de F. Un véritable manque à gagner pour notre pays.  

Est-ce que la priorité n’est pas de susciter l’intérêt des consommateurs vis-à-vis des produits laitiers locaux ?
Justement, c’est de cela qu’il s’agit. C’est de la responsabilité des Camerounais de donner de la valeur pas seulement au lait localement produit, mais à tous nos produits locaux en général. On doit promouvoir le Made in Cameroon pour accompagner nos entreprises nationales et favoriser l’auto-emploi. C’est à nous de le faire puisqu’on n’oblige personne à acheter tel ou tel produit laitier. Je prends un exemple banal, on invite le ministre en charge de l’Elevage, à un atelier sur le lait et paradoxalement, on lui offre du lait en poudre alors qu’à coté il y a des éleveurs qui ont du mal vendre leur lait. Il faut que le patron des éleveurs donne le ton et les autres vont suivre. Il suffit d’appeler des producteurs et on leur livrera du lait local frais. Ce serait non seulement une fierté pour nos éleveurs d’offrir sur la table leur lait frais mais aussi, un début de solution à l’échelle locale.

La transformation du lait en produits dérivés constitue également l’une des difficultés de la filière. Comment peut-on résoudre cette contrainte ? 
La transformation en elle-même ne souffre pas. Il y a les écoles polytechniques et les institutions qui livrent sur le marché de l’emploi des dizaines d’ingénieurs qualifiés capables d’accompagner les entreprises agro-alimentaires. Le problème se situe plutôt au niveau de la conservation (source électrique peu ...

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