Marrakech 2023 : l’Afrique en première ligne

Pour le pays organisateur et l’ensemble du continent, les assemblées annuelles sont une opportunité en or de mieux faire entendre leur voix et de prendre une meilleure place pour assurer leur progrès économique.

Les autorités marocaines le disent sans ambages : la tenue – 50 ans après - des Assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale en terre africaine, doit pouvoir laisser des traces sur le continent. Ainsi, dans sa posture de pays organisateur de l’évènement, le royaume chérifien se voit en réalité comme la tête de file ou le porte-voix d’une Afrique qui aspire à mieux dans le dispositif financier multilatéral. De Rabat à Marrakech, du secteur public au secteur privé, en passant par la société civile, le discours est celui-là. Le souci est visiblement de faire en sorte que l’Afrique arrive aux travaux unie, et parle d’une même voix. Pour parvenir à fédérer ainsi les énergies du continent, le Maroc brandit sa politique de coopération volontariste, orientée vers une responsabilité et une prospérité partagées, et sur une certaine idée de la solidarité. Le contexte s’y prête évidemment, alors que l’idée de réforme de l’architecture financière mondiale est en discussion. Le débat nourri depuis quelques années déjà, a encore constitué la trame du dernier Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial. Mue par le souci d’assurer elle aussi son décollage, l’Afrique demande donc une plus grande considération et ambitionne de se présenter avec un profil différent, à l’heure des grands bouleversements géopolitiques et économiques.

Plaidoyer pour une meilleure représentativité
Au Maroc, cette idée est explorée jusque dans les milieux universitaires. Des think tanks la dissèquent au quotidien, à l’instar du très influent Policy Center For the New South (PCNS). Le groupe de réflexion logé au sein de la prestigieuse université polytechnique Mohammed VI de Rabat, mène des études en vue de proposer un nouveau modèle de participation africaine au sein de l’appareil financier mondial. Son président, Karim El Aynaoui, par ailleurs doyen de la Faculté des sciences économiques, se montre particulièrement optimisme, au sujet de la nouvelle place que devrait prendre l’Afrique dans son rapport avec le FMI et la Banque mondiale. Pour lui, « il est possible de changer de posture, d’adopter une attitude plus ambitieuse, parce que les pays africains ont les ressources matérielles et humaines pour être des membres à part entière de ces institutions, en faisant résonner leurs idées pour un fonctionnement amélioré du Fonds monétaire et de la Banque mondiale. » Au sein du PCNS, on défend en effet l’idée que les deux institutions de Brettons Woods gardent une mission utile de régulation de l’économie mondiale et de financement du développement. Mais que les Africains n’ont que trop longtemps accepté une position inférieure et qu’ils peuvent être les acteurs principaux d’une réforme qui se profile. Le rendez-vous de Marrakech le mois prochain est donc forcément une aubaine pour bousculer l’agenda et gagner de la place.

La question de la dette
L’une des contraintes les plus pesantes pour les économies du continent reste l’endettement. Bien obligés d’emprunter pour réaliser leurs ambitieux projets de développement, les pays africains ont vu leur dette gonfler de manière exponentielle ces dernières années, au plan bilatéral auprès des pays partenaires, mais aussi multilatéral, avec les banques de développement, dont justement la Banque mondiale et le FMI. Ces prêts sont malheureusement consentis à des taux d’intérêt écrasants pour les fragiles économies africaines. Les deux dernières crises majeures qu’a connues la planète n’ont pas spécialement arrangé les choses. Résultat : au sortir de la pandémie du Covid-19 et toujours en plein dans les affres de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les pays africains sont tiraillés entre la recherche continue de financements et la dette colossale à rembourser. C’est une espèce de cercle vicieux qui fait augmenter le niveau d’endettement et freine considérablement la marche d’un continent dont le potentiel est pourtant fait pour jouer les premiers rôles sur la carte économique mondiale. En outre, les pays africains, faibles pollueurs, sont parmi les premières victimes des changements climatiques. D’où les appels réguliers à l’examen pertinent de cette question de la dette. A Marrakech, les Africains vont certainement reposer le problème. D’autant plus qu’ils jugent les solutions proposées par leurs partenaires trop timides ou trop cosmétiques pour véritablement impacter la relance économique sur le continent.

Les pistes de développement des économies africaines
Si les banques sont généralement le premier recours pour les gouvernements et les entreprises, Nezha Hayat, présidente de l’Autorité marocaine du marché des capitaux estime qu’elles ne peuvent malheureusement pas tout financer. Surtout sur un continent où une certaine perception des risques n’encourage pas particulière...

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