« Il faut appliquer les sanctions pénales »

Paul René Jouonang, expert, consultant sénior en marchés publics.

Le ministre des Travaux publics vient de retirer le marché de la route Douala-Bonépoupa à l’entreprise ENCOBAT. Cette entreprise est également suspendue de toute souscription à la commande publique pendant deux ans. Un cas parmi tant d’autres. Quel est réellement le problème dans la sélection des entreprises pour la construction des infrastructures ?
Il ne s’agit malheureusement pas seulement de la construction des infrastructures ! C’est un phénomène général auquel aucune catégorie de marchés publics n’échappe. Qu’il s’agisse de petites fournitures de paquets minimum dans les établissements scolaires, de grosses livraisons d’engins de génie civil ou autres fournitures de grande importance; que ce soit des constructions de petite envergure telle que les salles de classe et autres latrines, forages, etc., ou la réalisation des grands projets d’investissement comme celui dont il est question dans le contexte présent, le système des marchés publics camerounais est fortement gangrené par une panoplie de mauvaises pratiques qui généralement entravent la bonne réalisation des projets d’investissement public amorcés. Dans notre cas présent, le motif annoncé pour justifier la résiliation est « la défaillance de l’entreprise ». Cette défaillance s’étant manifesté notamment par l’indisponibilité du personnel, les retards dans l’exécution des travaux, les retards dans la production du projet; la non-exécution des ordres de service du Maître d’ouvrage et l’abandon du chantier. Pour ma part, toutes ces causes découlent d’une passation de marché approximative. Au regard de l’envergure même de ce projet, le processus de passation de ce marché n’a pas été mené avec suffisamment de rigueur et d’objectivité. 

Lors de la dernière revue des chantiers routiers en cours dans le pays, le ministre des Travaux publics a relevé la mobilisation insatisfaisante des entreprises, notamment la faible capacité financière. Si c’est le ministre lui-même qui pose ce problème, n’y a-t-il pas lieu de s’inquiéter ? 
Et comment justement ne pas s’inquiéter? Si la sélection est faite de manière objective, nous avons au moins 75% de chance de voir le projet conduit jusqu’à son terme. Et comme vous l’avez si bien souligné, il ne s’agit pas exclusivement de ce cas d’espèce ! La quasi-totalité de nos grands chantiers, surtout dans la catégorie des travaux d’infrastructures, si non la majorité tout au moins, sont dans la même situation. Donc, c’est même très alarmant, la situation des entreprises financièrement « insolvables » qui est de plus en plus récurrente et qui empêche nos projets de développement d’émerger. Mais aussi, et paradoxalement, nous ne devons pas jeter l’opprobre uniquement sur les cocontractants de l’administration. En effet, j’attribue très souvent à certains maîtres d’ouvrage la responsabilité de l’échec de la finalisation de certains projets. Si dans le cas présent, il est constant que l’entreprise Encobat a brillé par sa mauvaise foi très manifeste en invoquant le non-paiement de ses décomptes pour justifier l’abandon du chantier, il est très souvent arrivé des cas où effectivement le maître d’ouvrage se refuse à payer son cocontractant, le mettant ainsi dans l’impossibilité de poursuivre les travaux engagés et dans l’un ou l’autre de ces deux cas de figure, ce sont les bénéficiaires de ces projets qui en sortent perdants. 

Que faire alors pour s’en sortir ?
Dans une de mes publications récentes, j’avais émis l’idée selon laquelle, faisant le constat que la mauvaise sélection des prestataires est très souvent liée à l’incompétence ou au manque d’expérience des acteurs de la passation des marchés publics au Cameroun, à défaut de créer une école spéciale de formation en marchés publics, il était tout au moins intéressant que soient institués dans nos universités et grandes écoles supérieures, des départements des marchés publics d’où sortiront exclusivement, les acteurs du système camerounais des marchés publics qui, ainsi dotés de qualifications certaines en la matière, pourront aisément et positivement mettre leurs savoirs au service de l’amélioration du système des marchés publics camerounais. Au regard de certaines mauvaises pratiques qui découlent du manque d’intégrité des acteurs, j’avais fait l...

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