Contre la grisaille, libérons les énergies !

Pour les individus comme pour les nations, les années se suivent et ne se ressemblent pas tout à fait, certaines étant plus en réussite que d’autres. Cette différence tient souvent à la volonté des acteurs nationaux les plus influents sur l’évolution du pays d’améliorer l’existant en explorant des opportunités à même d’imprimer à la marche vers le progrès un rythme plus vigoureux, une cadence plus soutenue.
Mais la différence peut également résulter d’autres déterminants tels que le casting des hauts responsables, l’environnement socio-politique ou économique global, lorsque leurs impacts parviennent à bonifier, ou au contraire à contrecarrer la marche en avant, par toutes sortes d’interconnexions.
L’année qui s’achève peut être analysée à l’aune de ce constat. Elle était annoncée comme celle du temps retrouvé, elle figurait le rebond et la résilience, après la sidération planétaire provoquée par le Covid-19 et ses effets dévastateurs sur les vies, l’espérance de vie, l’économie, et même sur la science, qu’on a découverte bien désarmée face à cette calamité.
Contre toute attente, les prévisions euphoriques de relance économique ne se sont pas réalisées. Ni en Afrique, ni ailleurs dans le monde. L’espoir de refonder une économie sur des bases plus solides en 2023 s’est fracassé sur les rigueurs de l’environnement global : l’urgence climatique, l’après-Covid et la guerre en Ukraine ; les pénuries gigantesques et l’insécurité alimentaire consécutives au blocus occidental sur l’économie russe, sans compter l’inflation, l’invitée-surprise de ce chamboulement inédit.
Alors que notre pays planifiait d’achever ses grands projets d’infrastructures, et de sortir la politique d’import-substitution des études vers le terrain en transformant systématiquement ses richesses brutes, les nombreuses pénuries en produits de première nécessité et l’insécurité alimentaire, combinées à l’insuffisance de la production agricole, ont contraint le gouvernement à engager un cycle d’importations salutaires pour satisfaire la consommation locale, mais au prix d’un déséquilibre de sa balance commerciale, et d’un rêve de réindustrialisation phagocyté.
Choix douloureux auquel ont dû se résoudre bien des Etats confrontés à la même situation. Au nom de l’interdépendance économique entre nations, la mondialisation des opportunités ne va pas, hélas, sans une mondialisation de ses effets les plus néfastes et de ses dérèglements les plus chaotiques.
Néanmoins, d’autres facteurs comme nous l’avons souligné, peuvent expliquer le bilan d’une année donnée. Le cas du Cameroun est en tout point intéressant, car même si la croissance économique est en retrait au regard des prévisions, elle reste tout de même dans une dynamique de progrès. On peut même penser qu’elle serait bien plus vigoureuse si deux autres facteurs contextuels n’avaient pesé de tout leur poids sur le cours des événements : la crise politique et sécuritaire interne, mais aussi la proximité de l’élection présidentielle de 2025.
En effet, la résurgence de Boko Haram aux abords du Lac Tchad, et le spectre de la terreur islamiste au Sahel, avec leur lot de morts, de pillages et de vandalisme, ont constitué une hypothèque, une de plus, à la reprise économique projetée. Au Sahel et ailleurs, cette instabilité a favorisé les coups d’Etat militaires, sur la présomption erronée que seuls les régimes militaires pouvaient combattre efficacement l’insécurité.
Si le Cameroun a continué à livrer courageusement la bataille contre le terrorisme dans ces circonstances peu amènes, dans la zone du Lac Tchad où sévit Boko Haram, comme dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, infestées de bandes armées, l’on doit admettre que l’effort de guerre et les moyens conséquents investis lui auront coûté, cette année encore, quelques points de croissance.
D’ailleurs, les analystes les plus sérieux s’accordent à penser que les crises internes à notre pays qui perdurent, malgré les efforts notoires du gouvernement et le ras-le-bol des populations qui n’hésitent pas à organiser le lynchage des bandits, sont étroitement liées au bouillonnement d’avant-présidentielle. Cette hypothèse n’est pas farfelue dans la mesure où l’origine de ces crises se situe comme par hasard autour de l’élection présidentielle de 2018… Comme on le sait, les crises politiques, l’insécurité endémique, peuvent être initiées, amplifiées ou utilisées par des acteurs de toute origine et de toute nature, comme un moyen de pression sur le pouvoir ou comme une tentative de déstabilisation. Les échéances électorales cruciales annoncées au Cameroun en 2025 constituent le terreau par excellence de ces grandes manœuvres politiciennes. Parce qu’elles cristallisent pour certains, l’espoir d’un grand basculement électoral ou idéologique.
Dès lors, on peut extrapoler et supputer qu’à quelques encablures de la présidentielle, le bilan de cette année 2023 a pu être scellé par certains comportements inappropriés. Des acteurs importants de la mise en œuvre des politiques publiques ont pu se mettre en mode « Pause », ou « Le travail de l’Etat ne finit pas ». Alors que d’autres, tétanisés par les enjeux et les certitudes de la période, ont sombré dans l’attentisme. Avec pour résultat, une action publique timide, peu impactante, qui donne aux citoyens un sentiment d’inachevé, dans le domaine des services aux populations notamment. 
Dans un tel contexte, il n’est pas superflu de rappeler à tous nos compatriotes qui jouissent d’une parcelle de pouvoir ou d’influence, leur responsabilité dans la société. On pourrait même les inviter à s’approprier la mission que les théoriciens de la littérature dite engagée assignaient aux écrivains. Ils devaient être, disaient-ils « nécessairement embarqués dans la galère de leur temps, engageant leur conscience, leur réputation, leurs biens. » En écho à la théorie de la « praxis » chez Jean-Paul Sartre : l’écrivain doit « être en situation » et « agir ». L’immobilisme des mandataires de l’Etat, ou ce que le président de la République nomme l’inertie, en le pourfendant, est hautement dommageable à la culture du résultat. Notre pays ne peut pas se payer le luxe d’une année entière en apnée ou en pause. Si cette hibernation des énergies devait se poursuivre, l’économie camerounaise s’en trouverait considérablement affaiblie. 
Du point de vue de l’exécutif, dont la mission est de présider, de trancher et de décider, l’année 2023 aura été un phare lumineux, éclairant la direction en temps opportun, tranchant dans le vif à d’autres moments. Le président de la République, puisqu’il s’agit de lui, a bien imprimé sa marque à cette année qui décline, à travers une série d’actes réglementaires qui ont balisé l’avenir sous tous les angles : l’approvisionnement en produits pétroliers, l’énergie, le nouveau Code minier et les débuts de l’exploitation minière, la résurrection de la Société nationale de Raffinage (...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie