Boycott de la fête nationale : foncièrement antipatriotique

L’absence constatée du Sdf, du Cpp et du parti des « Patriotes » au défilé du 20 mai 2017  est une grave entorse aux valeurs constitutionnelles et républicaines.

Ainsi donc, le Social Democratic Front (Sdf), le Cameroon People’s Party (Cpp) et le parti des « Patriotes » (ex-Paddec) ont mis à exécution leur décision de ne pas prendre part à la 45è fête nationale  de l’unité. A Yaoundé, siège des institutions nationales où le Sdf  participe souvent en tant que l’une des neuf formations politiques représentées au parlement, aucun militant de ce parti n’a honoré cette célébration qui constitue un événement majeur de la vie de la nation camerounaise.  Dans les neuf autres régions du pays, les militants de ces trois partis ont observé le mot d’ordre de la hiérarchie de leur parti pour se mettre en marge de cette célébration qui consacre l’unité du Cameroun.  Mais à Bamenda, fief du Sdf, la consigne de Ni John Fru Ndi a été bravée par les maires de Bamenda II et III qui ont tenu à assister, aux côtés du gouverneur de la région du Nord-Ouest et du préfet de la Mezam, à la parade militaire et civile, à la place des fêtes. Fidelis Balick Awa,  flanqué de son premier adjoint et son collègue de Bamenda III, Cletus Fongu, ont eu le recul nécessaire pour mettre en avant leur statut d’élu local et faire honneur à la République.
Le  choix du Sdf a pour point de départ la fameuse  lettre-circulaire signée et adressée le 07 mai dernier par son président national à ses militants et dans laquelle il les appelle à ne pas prendre part aux festivités de la 45è fête nationale de l’unité. Le chairman du Sdf motive sa décision par ce qu’il appelle « l’incapacité du gouvernement  à apporter des solutions aux revendications des syndicats des enseignants et avocats anglophones ». Pour pratiquement les mêmes raisons, le Cpp d’Edith Kahbang Walla a surfé sur les préoccupations des avocats et enseignants anglophones pour appeler ses militants à se soustraire à cette commémoration qui symbolise notre unité nationale si chèrement acquise. Ce parti avait déjà lancé un mot d'ordre identique l'année dernière à la même occasion. Le pionnier dans cette démarche antirépublicaine et antipatriotique est le parti des « Patriotes » de Me Jean De Dieu Momo, qui, à l'issue de son congrès tenu le 1er mai 2017 annonçait qu'il ne participerait pas aux célébrations du 20 mai 2017. Une décision que le parti a justifiée par la situation qui prévaut depuis novembre 2016 dans les régions anglophones du Cameroun.
Le boycott de la fête nationale de l’unité par les militants de ces trois partis sonne pour de nombreux analystes et observateurs comme un déni de patriotisme et une entorse grave aux valeurs constitutionnelles et républicains. Dans une récente sortie, le président du Comité interministériel pour la normalisation des symboles officiels de l’Etat,  Louis Maxime Meka Meka, soulignait que le 20 mai a, au même titre que les autres emblèmes officiels de l’Etat, une valeur constitutionnelle. Le boycott de cette célébration consacrée par la constitution est donc de ce fait, une lourde bourde politique aux conséquences dommageables pour l’image et la crédibilité des partis de cette curieuse trinité. D’ailleurs, les Camerounais avertis s’étonnent de ce que d’une part, le 20 mai, une fête par essence  transpartisanne, soit devenue un objet de chantage et d’autre part, les préoccupations corporatistes soient exploitées à des fins politiciennes. Plus grave, les leaders de ces formations politiques dans leur démarche  feignent d’ignorer la batterie de mesures déployées ces derniers temps par le gouvernement pour adresser les revendications des avocats et enseignants anglophones. Du coup, il y a lieu de s’interroger sur les vrais mobiles du boycott de la fête nationale de l’unité par ces formations politiques. Mais ce dont on est presque certain, c’est que si ces leaders veulent surfer sur le climat sociopolitique actuel, c’est sans doute pour se refaire une santé politique auprès de l’opinion, à quelques mois des échéances électorales attendues.

 

« Une démarche extrémiste et identitaire »

Les explications d’Aboya Endong Manassé, professeur titulaire de science politique à l’université de Douala.

Professeur, ainsi donc, le SDF de Ni John Fru Ndi et le CPP d’Edith Kahbang Walla, tous de l’opposition, ont effectivement boycotté comme annoncé le défilé du 20 mai 2017. Comment réagissez-vous à cette démarche ?
D’emblée, on peut qualifier cette démarche comme faisant partie d’une expression extrémiste de la liberté, car sur le plan légal rien n’obligeait ces partis politiques à participer au défilé du 20 mai 2017. Mais, sur le plan de la stratégie politique, ces partis auraient dû prendre en compte le besoin d’apaisement lié au contexte socio-politique actuel, voire les événements nationaux à venir et surtout l’importance historique de cette commémoration pour prendre part à ce défilé. En effet, au-delà des débats sur les circonstances de la mise en place de l’Etat unitaire, le défilé du 20 mai est généralement un moment privilégié pour les leaders politiques de mettre en évidence leur adhésion à la consolidation du vivre-ensemble, en ravivant la flamme patriotique de leurs militants. En refusant de participer au défilé, les leaders de ces partis ont bloqué de manière autoritaire les aspirations de certains de leurs membres qui voulaient communier avec le reste de la communauté nationale, confirmant une décision du sommet des appareils politiques contre l’avis de la base.
La fête du 20 mai, instituée pour célébrer l’Etat unitaire, après les épisodes historiques qui ont divisé le Cameroun en deux parties, a un caractère sacré aux yeux des Camerounais. Quand un parti comme le SDF, première formation de l’opposition, décide de ne pas y prendre part, ne  prend-il pas le risque de ternir l’image de la première formation de l’opposition ?
Le Chaiman Ni John Fru Ndi est un leader politique incontestable, de même qu’il est membre à part entière d’une communauté qu’il ne peut renier. Il ne peut non plus exister en tant que leader politique en faisant fi d’un certain nombre de préoccupations concernant son ancrage territorial ou comm...

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