Candidature de Paul Biya à la présidentielle, gestion des affaires de l’Etat : la mise au point du Mincom

Dans l’effervescence qui caractérise les jours qui précèdent la convocation du corps électoral en vue de l’élection présidentielle, le président de la République est celui qui cristallise l’attention. Tout le monde, ou presque, attend, avec une certaine impatience, sa décision de se porter à nouveau candidat ou pas. Ceci, même si lui-même a pourtant dit, il y a fort longtemps, qu’il se prononcera en temps opportun, le moment venu. C’est le signe sans doute de l’importance de l’homme, de la place qu’il occupe sur la scène politique, des aspirations qu’il porte et des attentes qu’il charrie. Au milieu de tout ce bruit, Paul Biya reste serein, attendant, comme à son habitude, son moment à lui. Et non pas celui qui serait dicté par quelque acteur que ce soit. Certains parmi ceux qui ont déjà clairement affiché des ambitions présidentielles ont alors tôt fait d’assimiler ce choix à une absence. Invoquant toutes sortes de raisons, ils allèguent que le pays ne serait plus gouverné ou qu’il serait dirigé par procuration. Répondant, hier 7 juillet, à une interview de nos confrères de Radio France Internationale (RFI), le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, balaie ces affirmations du revers de la main. René Emmanuel Sadi parle d’un président qui gère au quotidien les affaires du pays, dans la discrétion et l’efficacité. Nous reprenons ici l’intégralité de cet entretien.

Monsieur le ministre, les départs annoncés des ministres Bello Bouba Maïgari et Issa Tchiroma Bakary du gouvernement ne sont-ils pas un coup dur, à trois mois de l’élection présidentielle ?
Des alliés qui partent, et non des moindres. Effectivement, on peut forcément le regretter. Pour autant, nous ne croyons pas qu’il faille faire tout un drame de ces démissions de quelques membres du gouvernement. En l’occurrence, des ministres appartenant au FSNC et à l’UNDP. Je le dis parce que le Cameroun est un pays de liberté et de démocratie. Et ceci est un acquis irréversible que nous devons incontestablement à l’engagement du président Paul Biya. Et comme dans toutes les démocraties du monde, des alliances peuvent se nouer et se dénouer au gré des circonstances. Entre les partis politiques, il convient de mener une politique commune. Ce fut le cas entre le RDPC d’un côté et de l’autre l’UNDP et le FSNC. Il va sans dire que ces alliances ont été librement consenties. Et de même, si aujourd’hui les deux alliés décident de rompre ces alliances, ils le font en toute liberté pour des raisons qui leur sont propres. Le RDPC, quant à lui, en prend forcément acte et il en tirera toutes les conséquences qui s’imposent. 
S’agissant de l’incidence sur le socle électoral du RDPC dans le Nord, il se pourrait en effet que nous perdions toutes ou une partie des voix de nos anciens alliés. Mais, je vous fais remarquer ceci : lors des consultations électorales dans notre pays, ces 10 ou 20 dernières années, c’est le RDPC qui les a remportées avec brio alors même que nous avions en face ces partis politiques de l’opposition. C’est vous dire qu’en dépit du départ des alliés en question, le RDPC, fort de ses nombreux atouts et de son maillage territorial, reste debout et serein, sous la houlette et l’impulsion du président de la République, Paul Biya, son président national. Et le RDPC se prépare à aborder les échéances qui viennent en toute confiance. Et il ne fait pas de doute qu’il conservera sa place dominante dans cette partie du pays.
Enfin, pour ce qui est de la prétendue absence au sommet de l’Etat, il n’en est rien. Le président de la République conduit bel et bien les affaires de la République dans un style qui lui est propre, fait de discrétion et d’efficacité, sans tapages.


C’est en effet Issa Tchiroma Bakary qui a parlé de l’absence de Paul Biya en tant que président de la République. Il a expliqué que lors des réunions, le président ne s’exprimait plus et qu’il ne gouvernait plus. Qu’est-ce que vous répondez à ça ? 
Je pense que cette absence est une absence apparente. Le style présidentiel, nous le connaissons. Moi-même qui ai passé une quarantaine d’année à ses côtés, je sais que cette absence apparente n’enlève rien à l’efficacité de l’homme. Elle n’enlève rien à sa connaissance parfaite des dossiers. Il suit au quotidien tout ce qui se passe. Il est certainement l’homme le plus informé. Donc, je crois que quand on connaît l’homme, sa discrétion, son efficacité, c’est un style qui n’enlève rien à sa capacité à gouverner. Je ne serais pas tout à fait de ceux qui pensent que cette soi disant absence est un manque d’intérêt pour son pays ou une méconnaissance des réalités de son pays, des problèmes qui se posent. Non, le président est certainement très informé et dans le détail de toutes les affaires de l’Etat.


Mais quand on a 92 ans, est-ce qu’il n’est pas normal qu’on ait quelques fois quelques absences ?
Justement, à 92 ans, c’est un énorme mérite que de continuer à gouverner son pays. C’est un énorme mérite que de s’intéresser aux affaires de l’Etat, de suivre les dossiers. Je pense que la chance qu’on a, c’est que le président, à cet âge, a une mémoire phénoménale. C’est vrai, l’âge est là, il est important. Mais évidemment, quand on peut, malgré cet âge, continuer à suivre à ces dossiers, c’est aussi un grand mérite qu’il faut saluer.
Issa Tchiroma Bakary ajoute que le pays est désormais gouverné par de hautes instructions, donc par l’entourage du chef de l’Etat. Qu’est-ce que vous lui répondez ?
Ça, c'est une organisation. S’il y a quelque chose de normal, on ne gouverne pas seul. On délègue ses pouvoirs, et ça ne date pas d'aujourd'hui, ça date de très longtemps. La délégation de pouvoir existe depuis longtemps. Ça ne veut pas dire que le président se désengage. Ça ne veut pas dire qu'il est absent ou indifférent. C'est une manière de travailler, une manière de coordination, d'organisation de son travail. Et je suis de ceux qui savent comment ça fonctionne et je peux vous dire que cet apparent désintérêt n'est pas du tout un désengagement de la part du chef de l'État. Et bien qu'il ait décentralisé, déconcentré ses responsabilités, confié à ses collaborateurs les plus proches quelques délégations de signature, il reste vigilant. Et ceux-ci sont tenus de l'informer au quotidien de toutes les décisions qui pourraient être amenées à être prises, soit a priori, soit a posteriori.


Est-ce que le secrétaire général de la présidence n’est pas quelques fois le vrai patron du pays quand le président n’est pas en mesure de gouverner à chaque heure de la journée ?
Non non, je ne dirais pas la même chose. Le secrétaire général de la présidence, en tant que collaborateur le plus proche du président de la République, le connaissant, peut anticiper. Mais je peux vous dire qu’il est tenu de rendre compte. Et s’il a anticipé et que la décision qu’il a eue à prendre n’est pas celle qui convenait, le chef de l’Etat est en mesure d’apporter les corrections nécessaires. Et évidemment, il s’exécute dans ce sens-là.  
Bello Bouba et Issa Tchiroma ne se contentent pas de démissionner. Ils ont l'intention d'être candidats dans trois mois. Or, ils sont tous les deux originaires du Nord qui pèse 40% du corps électoral du Cameroun. Est-ce que leur passage dans l'opposition ne va pas affaiblir mécaniquement le socle électoral du RDPC au pouvoir ?
Je ne pense pas. Il est évident que, comme vous le dites, l'UNDP et le FSNC sont effectivement deux partis importants qui ont une assise que nous connaissons assez significative dans le Septentrion. Mais je dois vous dire que le RDPC a un maillage territorial et une présence la plus large possible dans tous les coins et recoins du Septentrion. C'est pour ça que je dis que dans le Nord, bien qu'il se pourrait qu'en effet nous perdions toutes ou une partie des voix de nos anciens alliés, le RDPC reste le parti dominant dans cette partie du pays. Et dans les consultations antérieures, pas seulement présidentielles, mais aussi législatives et municipales, le RDPC l'a emporté et ceci avec brio en dépit de la présence et la concurrence du FSNC et de l'UNDP. Donc je pense que nous allons, comme je dis, sans doute perdre quelques voix de ces deux partis, mais nous avons une présence telle que nous continuerons, je crois, à avoir une position dominante dans cette partie de notre pays.
Donc je n'ai pas du tout d'inquiétude sur ce plan-là. C'est vrai que la concurrence sera sans doute un peu plus forte puisque nous avons perdu des alliés, mais nous allons nous organiser. Le RDPC va s'organiser, des dispositions seront prises dans ce sens pour sensibiliser nos militants, nos sympathisants. Les rangs sont en train de se resserrer et il est quasiment certain, de mon point de vue, que nous allons préserver cette position dominante que nous avons, non seulement sur l'ensemble du pays, mais particulièrement dans la zone du septembre.


Mais tout de même, il y a 33 ans, en 1992, Bello Bouba, qui était déjà candidat, a fait 19%... 
C'est un score tout à fait honorable. En 1992, il a fait ce score. Vous avez bien vu qu'avec le temps, il a fait moins que ça. Donc je ne pense pas qu'aujourd'hui, il saurait faire plus que ça. Je suis quasiment certain que les conséquences du départ de nos alliés ne seront pas aussi dramatiques qu'on pourrait le penser.


Donc, Bello Bouba et Issa Tchiroma ne vous font pas peur ? 
On ne peut pas avoir peur. C'était nos alliés, ils s'étaient rapprochés de nous. Ils s'étaient rapprochés du parti le plus important, le plus grand, et qui le demeure. Nous aurons perdu quelques alliés que nous respections d'ailleurs. Et je pense que cette collaboration aura, peu ou prou, porté ses fruits. Il n'en demeure pas moins que le RDPC saura s'ajuster par rapport à cette situation.
Et nous aurons certainement aussi d'autres partis qui pourront se rapprocher de nous, même dans cette partie du pays. Dans le Septentrion, il n'y avait pas que le FSNC et puis l’UNDP. Il y avait d'autres partis (le MDR, l'ANDP) qui sont les partis qui se sont rapprochés du RDPC. Ce sont des partis alliés, avec des personnalités qui sont des personnalités connues, célèbres et qui ont leur mot à lire dans cette partie du pays. Avec tous ces atouts, je n’ai pas de raison de penser que véritablement il y aura un changement de la configuration politique de l'électorat dans le Septentrion.
Autre figure de l'opposition, Maurice Kamto, qui est arrivé officiellement deuxième à la présidentielle de 2018. Lors d'un grand meeting à Paris il y a quelques semaines, il a déclaré qu'il ne doutait pas qu'il pourrait être candidat dans trois mois, et que quand il serait élu, il veillerait à ce que le président Biya ne soit pas poursuivi en justice. « Je lui assurerai ma protection », a-t-il dit… 
Personnellement j'ai trouvé ces propos plutôt fantaisistes, quelque peu risibles, mais en même temps présomptueux. C'est pour ça que je n'en dirais pas plus, pour la simple raison que l'éventualité d'un tel cas de figure, en ce qui me concerne, me paraît peu probable. Pour rester dans l'euphémisme, je pense qu'on ne peut pas préjuger de l'issue de l’élection présidentielle à venir. Mais je pense que, raisonnablement, le MRC ne pourra pas l'emporter. Si déj...

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