Le Covid-19 et l’urgence économique


Déjà cinq mois que nous vivons assiégés par le virus du Covid-19, cet hôte indésirable et encombrant surgi des profondeurs de la nuit pour parasiter nos vies, nous entraîner à nos corps défendants dans une étreinte fougueuse et mortelle. Passé le temps de la suffocation et de la sidération, nous voilà déterminés à reprendre le souffle vital et à revivre, tout simplement. Revivre autrement, sans aucun doute, mais revivre. C’est-à-dire aimer, travailler, prier, jouer, fraterniser – quoique… – et surtout penser, réfléchir. 
A l’analyse, le gouvernement à la manœuvre depuis le début de cette crise pour planifier la riposte, collecter les moyens de la lutte, autant que pour sensibiliser les foules incrédules, tient le bon bout. Pouvait-il en être autrement ? Il en avait l’ardente obligation. Le plus sombre destin était prédit aux Africains par les pseudos-spécialistes du continent et même par l’Organisation mondiale de la santé, qui ont lu dans leur boule de cristal ce qu’ils voulaient bien y lire : la désintégration de l’Afrique. Le big-bang.
Ce pari insensé de la mort sur tout un peuple était un véritable défi à notre intelligence et à notre orgueil. Conscient de la gravité de la situation, le président de la République avait payé de sa personne, en s’investissant sans mesure dans la conception et le pilotage de la riposte nationale, mais aussi en prenant solennellement la parole pour expliquer, rassurer, et s’engager publiquement à tirer le pays en lieu sûr, vers la rive, comme il l’avait fait auparavant pour bien d’autres crises avant le Covid-19. 
Sans prétendre engager un quelconque bilan, on peut affirmer que la stratégie nationale, en dépit de quelques loupés et retards à l’allumage – notamment sur la gratuité de la prise en charge et le testing – est payante. Les hôpitaux sont désengorgés, la décentralisation des soins est effective, de nouveaux centres de santé ont vu le jour, le taux de létalité est en nette régression, justifié par un taux de guérison plus qu’honorable. Les mesures engagées par le Cameroun depuis plusieurs mois, parfois sous la huée et le tollé médiatiques, se trouvent aujourd’hui reprises par la plupart des pays, parce qu’elles se sont montrées efficaces. 
Pourtant, l’heure n’est pas au triomphalisme, loin de là. Les acquis dans ce domaine restent fragiles, en particulier du fait de l’insouciance de certains, qui bravent ouvertement les mesures-barrières et continuent à vivre « la vie d’avant », exposant le pays à un rebond de la maladie. 
Mais ces acquis positifs sur le front sanitaire ne peuvent pas faire oublier les conséquences économiques qui se dessinent. Partout dans le monde, les économies s’effondrent, secouées par la fermeture des frontières, la baisse de la demande, et la banqueroute des entreprises, avec pour corollaire la perte de milliers d’emplois. Le Cameroun n’y échappe pas. Même si l’on entend davantage le patronat, et le GICAM en particulier, donner de la voix, parce qu’il a de bons relais médiatiques et politiques, tous les secteurs sont touchés : la paysannerie, qu’elle soit agricole, ouvrière, artisane ou même nomade, le secteur informel qui occupe une bonne part de la population active, les auto-employeurs, les entreprises de presse, les créateurs d’art et la large gamme des métiers culturels, tous, ou presque sont exsangues. C’est-à-dire dans l’incapacité d’assurer les charges salariales et fiscales, quand ils n’ont pas simplement fermé. Cette situation n’est pas propre au Cameroun, on peut même se hasarder à dire qu’elle était prévisible. Mais alors, que faire de cette masse de nouveaux pauvres, dans un système comme le nôtre, où le pays ne peut se tourner vers la planche à billets, ni s’endetter au-delà d’un certain seuil, parce que sous surveillance du Fonds monétaire international ? C’est une question qui mérite réflexion, non seulement de la part du gouvernement, mais aussi de la part de tous ceux qui contribuent à la floraison de l’économie. Certes le gouvernement est celui qui définit les politiques économiques et qui régule sa pratique par tous les acteurs, mais il ne peut pas être mis seul à contribution au moment de refonder le modèle post-Covid-19. 
Depuis plusieurs mois en effet, tous ou presque s’accordent à penser que rien ne peut plus être comme avant, la pandémie ayant mis à nu les limites du modèle de développement basé sur la politique d’importations massives de biens et de services, au nom du libéralisme économique. Ces échanges tous azimuts s’accompagnent de deux autres « recettes » : la stabilité de l’environnement macro-économique, et un programme de privatisations et de bonne gouvernance. C’est ce à quoi le Cameroun et bon nombre de pays africains se sont astreints, comme des élèves modèles, sans pour autant enclencher de véritable décollage économique. Du moins, sans un niveau de croissance suffisamment élevé pour enrayer le chômage et les inégalités. A contrario, la crise sanitaire en cours vient de mettre une lumière crue sur une grosse tare, qui est pour nous une bonne épine au pied : l’absence d’un appareil de production industriel digne de ce nom. Cette carence est aggravée par la non-maîtrise du savoir-faire technologique, pour ne citer qu’elle, puisque dans le modèle de développement que nous avons embrassé, la recherche-développement, la science et la technologie sont considérées comme subsidiaires, ou mieux comme des appendices. Monumentale erreur, c’est la base même du processus industr...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie