Atteinte à la pudeur : les chansons du déshonneur

Avec la fin d’année qui approche à grands pas, arrivent certaines nuisances. Certes, parmi elles, les désagréments liés aux grosses chaleurs et leurs corollaires les moustiques qui font que les soirées se prolongent tard en plein air. Mais aussi les tapages diurnes et nocturnes des fêtards invétérés au son des musiques régulièrement dérangeantes. Volume trop fort, sonorités parfois dissonantes, paroles dignes de Sodome et de Gomorrhe ou peut-être venues tout droit de l’enfer… ces incivilités agacent. Impossible de se reposer paisiblement après une longue journée de travail si vous habitez à proximité d’un bar. Pas moyen d’attendre tranquillement son taxi aux alentours d’une discothèque, d’une station-service ou d’un magasin disposant de baffles, sans que ces derniers ne déversent dans vos oreilles des choses que vous ne désirez pas entendre. Personne n’y échappe : ni les petits écoliers, les lycéens et collégiens, encore moins les adultes obligés de traverser les coins chauds de la ville, en fin de journée, pour rejoindre leurs domiciles. 
Dans ce registre de la chanson grivoise, la dernière sortie « Bokdeh » signée IVO Chobodo laisse tout simplement perplexe. Surtout lorsque les paroles se retrouvent dans la bouche de jeunes enfants. Exposés au matraquage des DJ qui maintiennent ce son dans les airs depuis des semaines, ces espèces de perroquets, âmes sensibles encore incapables de distinguer le bien du mal, semblent ne pas avoir d’autre choix que de l’absorber comme des éponges. Pour le ressortir à volonté. Il faut les entendre chanter à tue-tête dans les ruelles des quartiers, au retour de l’école, sous un soleil accablant : « ma bokdeh, ma bokdeh oooo ». La reprise en chœur par ces tout-petits du refrain, offensant à souhait, est tout simplement choquante pour tout parent. Ce titre s’attaque aux parties fines dans le monde de la prostitution, avec toutes les libertés langagières associées. A côté, « Coller la petite » de Franko, pourtant interdit par un préfet dans la région de l’Ouest, du menu fretin.
On est bien loin de la vieille tradition camerounaise de la chanson paillarde où les propos étaient imagés et codifiés, dans l’expression en langues vernaculaires ou française. Chantres de la musique polissonne, des artistes comme Mbarga Soukouss, K-Tino, Pedro du Cameroun savaient s’y prendre, avec un art consommé et des filtres. Dans aucun de leurs répertoires, un chat ne se fait appeler par son nom. Aussi, leurs chansons, fort cadencées, étaient-elles prises pour divertissantes, lorsqu’elles parvenaient dans des communautés ne comprenant pas la langue. Encore que maîtriser celle-ci ne suffit pas pour décrypter certains propos de ces artistes : il faut véritablement avoir l’esprit mal tourné ou être un érudit de certains parlers chez les Bantou. Conscients de leur environnement, ces artistes savaient redonner à leurs formules édulcorées en disque toute la dimension osée voulue en cabaret, lieu du reste approprié. Une époque révolue ! Que n’entend-t-on aujourd’hui ? Des apprentis chanteurs, pressés de faire le buzz et de devenir des stars, prennent des raccourcis : les textes à caractère sexuel constituent leur pain béni. Au-delà de la vacuité de leurs énoncés, on verse dans la vulgarité, l’obscénité et l’indécence, quitte à choquer les mœurs.
Alors que cette dérive prospère allègrement, la grande question est : où est passée le contrôle ? Des artistes, des pères et des mères de famille le réclament à cor et cri. Même dans les vieilles démocraties comme l’Angleterre, les Etats-Unis, l’Allemagne ou la France, ce mécanisme aide à préserver les valeurs. Il consiste à arrêter la diffusion de chansons « provocantes », tant à la radio, la télévision que les espaces publics, afin de préserver la sensibilité d'autrui, selon trois critères qui sont : la société, la famille, la patrie. C’est établi : les chansons peuvent en effet véhiculer des idées immorales, des idées inappropriées en temps de guerre, ou contenir des évocations s...

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