Boko Haram : intensifier la pression militaire

La Force multilatérale mixte (FMM) composée des troupes du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Nigeria, qui lutte contre la secte djihadiste Boko Haram depuis une dizaine d’années, va-t-elle perdre l’un de ses fers de lance ? La question se pose après la récente menace du Tchad de se retirer de cette coalition militaire. Selon un communiqué de la présidence tchadienne du 3 novembre dernier et relayé par l’Agence de presse africaine, N’Djamena constate une « absence de mutualisation des efforts » au sein d’une force « qui semble tomber dans la léthargie » et évoque ouvertement la possibilité de se retirer. « Une absence de mutualisation des efforts » qui, « malheureusement et comme toujours », se fait sentir sur le terrain face à Boko Haram, ajoute le texte. Cette colère a été exprimée après la violente attaque contre la base militaire de Barkaram (île-garnison du Lac Tchad) qui a fait au moins une quarantaine de morts et une vingtaine de blessés dans les rangs de l’armée tchadienne, le 27 octobre 2024, non loin de la frontière avec le Nigeria. Les plus de 200 militaires qui constituaient la garnison de cette base n’ont pas réussi à contenir les assaillants, très nombreux selon des sources locales.
L’attaque a été l’une des plus violentes attribuées ces dernières années à l’une des factions héritières de Boko Haram, une insurrection apparue au Nigeria en 2009 avant de se propager dans les pays frontaliers. Depuis une quinzaine d’années déjà, les membres de ce groupe terroriste sèment la terreur dans la région du Lac Tchad, une vaste étendue marécageuse située aux confins du Niger, du Nigeria, du Cameroun et du Tchad. Les conséquences sont dramatiques : plus de 50 000 personnes tuées, 3,2 millions de déplacés et 280 000 réfugiés dans ces quatre pays qui font partie de la FMM. Face à la gravité de la situation (trois jours de deuil national décrétés), le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno s'est rendu sur place tôt le lendemain de l’attaque et a lancé l’opération de représailles baptisée « Haskanite » pour « poursuivre et traquer les assaillants jusque dans leurs derniers retranchements ». 
D’après les observateurs, si le Tchad venait à se retirer, la coalition serait amputée de sa deuxième force la plus importante (après celle du Nigeria), à un moment où les menaces à la sécurité restent un défi majeur dans cette région tourmentée et fragile. Mais, on n’en est pas encore là. Cependant se pose la question de savoir si la récente attaque de Boko Haram contre une base militaire tchadienne est la manifestation d’un regain de vitalité du groupe terroriste qu’on disait militairement vaincu et déstructuré après les multiples coups de boutoir des armées de la coalition. D’autant plus que pendant deux années environ (2021 et 2022), l’on a observé une relative accalmie dans cette guerre asymétrique, notamment après le décès du deuxième chef charismatique du groupe islamiste, Abubakar Shekau. 
Toutefois, le groupe de recherche International Crisis Group (ICG) expliquait il y a quelques mois que le calme sur le front des attaques était dû au fait que les deux factions (JAS et EIAO) nées du décès du leader du groupe se battaient à cause d’un désaccord sur le système de gouvernance et de traitement des civils. ICG estimait qu’au cours des deux dernières années, les deux factions en conflit se sont sans doute infligées plus de dégâts que les États du Lac Tchad ne l’ont fait ». Prévenant qu’en dépit de cette querelle intestine, les deux clans rivaux restaient une menace réelle dans la région et qu’il y avait de fortes possibilités qu’ils trouvent un terrain d’entente. Pour le moment, il est difficile, d’après les observateurs, de savoir si les deux groupes se sont remis ensemble, ce qui expliquerait peut-être cette « résurgence » des attaques aussi bien au Nigeria qu’au Tchad. Dans ce contexte, faut-il qualifier de « léthargique » la situation dans laquelle se trouve la FMM, surtout qu’un haut gradé ayant requis l’anonymat évoque le « départ sans annonce » de l’un des pays contributeurs d’Afrique de l’Ouest ? En tout état de cause, on ne peut ignorer les difficultés réelles sur le terrain, malgré les résultats du déploiement récent de la FMM. Notamment, pendant l’opération « Lake Sanity » (assainir le lac) dont la phase 2 s’est achevée en juillet dernier, après la phase 1 qui s’était déroulée de mars à juin 2022 dans les îles du Lac Tchad. Dressant, début juin dernier, lors d’une conférence de presse internationale, le bilan à mi-parcours de cette deuxième opération lancée le 23 avril 2024 avec la participation des troupes du Cameroun, du Tchad et du Nigeria, le commandant de cette...

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