L’art de prendre des vessies pour des lanternes

Alors que la semaine écoulée a été riche en événements d’importance pour l’avenir du pays, de la visite conjointe du président de la Commission de l’Union africaine et des secrétaires générales de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et du Commonwealth, au discours dense de politique générale du chef du gouvernement devant les élus de la nation, en passant par le dépôt au Parlement de la loi portant promotion des deux langues officielles, et la tenue de la 3e édition du Cameroon Investment Forum, pour ne citer que cela, bon nombre de médias ont choisi de servir au public dans les débats d’actualité et les « unes » de couverture, la volte-face du président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) sur sa participation au double scrutin du 9 février prochain.

Non pas que ce fût un non-événement, ou que les médias n’en aient pas eu le droit, mais cette hiérarchisation particulière de l’information, qui met en lumière les aspects les plus polémiques et populistes de l’actualité aux dépens des questions de fonds, donne une image faussée du Cameroun, y compris à nos propres yeux. Si tant est que les médias constituent un reflet de la société.

Ce n’est un secret pour personne : sur les 300 formations politiques officiellement reconnues, seule une petite vingtaine est à même de mobiliser les ressources humaines, matérielles et financières nécessaires pour la participation aux échéances électorales en préparation. Or, à en croire les états-majors concernés, ces partis politiques-là sont bien pour la plupart dans les starting-blocks… sous réserve de la validation de leurs dossiers par Elections Cameroon. Du coup, on peut se demander si le désistement du MRC est bien aussi signifiant qu’on tente de nous le faire croire.

Faisons remarquer par ailleurs, que sitôt publiée sa déclaration de retrait, le SDF et le PCRN (le parti qui a adoubé la personne de Cabral Libii après son clash avec le parti Univers de Nkou Mvondo) ont également opté pour la surenchère verbale, en conditionnant eux-mêmes leur participation déjà annoncée aux avancées dans la mise en oeuvre des recommandations du Grand Dialogue national pour l’un, et à un délai de 15 jours supplémentaires pour complément de dossiers de candidatures pour l’autre. Quelles leçons en tirer ? Eh bien, d’abord que les trois acteurs jouent sous nos yeux une scène ordinaire de la politique politicienne. Pour ne pas laisser Maurice Kamto capitaliser tout seul sur le statut sexy de révolté du système, les deux derniers ont embrayé sur la rengaine du « Retenezmoi ou je m’enfuis… » Comment leur en vouloir ? Ils sont dans leur rôle.

Car si l’on parle bien de la « scène » politique, c’est parce que la politique est un théâtre, un jeu d’ombres et de lumières, où l’intrigue n’est jamais tout à fait ce qu’elle paraît. Tout y est possible : les mariages, les divorces, les remariages. Rien n’y est assez cynique : trahison, duplicité, double-langage, volte-face. En cette période où la scène politique locale bénéficie d’une grande visibilité, les personnages qui s’y meuvent entendent chacun gagner la bataille de l’opinion et de l’image. Et se positionner comme de vrais leaders, en capacité de résister, d’entraîner, dignes d’attention, à défaut d’être charismatiques… Pour autant, les interrogations fusent : doit-on occulter la réalité, une actualité à la tonalité dynamique et positive, pleine d’espoirs pour tous, pour braquer les projecteurs sur le théâtre politique qui se joue au seul bénéfice des individus ? Devrait-on monter en épingle la tiédeur patriotique, les fractures ouvertes?

Au nom de quelles valeurs met-on sur le piédestal médiatique ceux qui tiennent les discours outranciers et dangereux pour la cohésion sociale ? Il faut croire que nous vivons une période où les politiciens, en stratèges froids s’appuyant sur les médias, voudraient nous faire passer des vessies pour des lanternes. En exagérant le malheur, en projetant les peurs, en faisant l’impasse sur les réussites, l’harmonie et l’ordre. C’est ainsi qu’au cours de la semaine qui s’achève le Cameroun et ses partenaires de l’Union africaine, du Commonwealth et de la Francophonie, ont esquissé un dialogue sincère sur les suites du Grand Dialogue national. Mais là où nous avons observé de l’écoute, de la sollicitude et une bienveillante attention, d’autres médias ont préféré lire une « triple pression », ou une « tentative de sauvetage » du président. Et ce malgré ...

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