« Nous devons sortir des sentiers battus »

Benjamin Nwall, Fellow Chartered of The Chartered Institute of Personnel and Development (FCIPD), Expert en gestion du capital humain et Ceo du cabinet BLISS Sarl.

Chaque année, des milliers de jeunes frappent aux portes de l’emploi au Cameroun et rencontrent de nombreux freins face au marché du travail. Entre autres, des diplômes et profils ne correspondant pas aux besoins du marché, manque de compétences et d’atouts. Comment ce septennat peut-il être mis à profit pour lever ces blocages ? 
Avant de vous répondre je souhaite vous remercier pour l’opportunité que vous me donnez en ma qualité d’expert agrée en Gestion du Capital Humain sur le plan international et national. Nous déplorons souvent le fait de ne pas être mis à contribution pour accompagner l’Etat comme nous le faisons avec les entreprises privées. Nous pensons que si nous travaillons main dans la main, le visage de l’emploi connaîtra une meilleure présentation et donnera envie à regarder. Cela dit, voici des stratégies pratiques pour améliorer la politique gouvernementale sur les sept prochaines années, pour l'emploi des jeunes en particulier et l’emploi tout court en général :

AXE I. Améliorer l'adéquation entre diplôme et besoins du marché
1. La première initiative sera d’établir un système de veille et de prévision des besoins du marché : En effet, mettre en place un système de collecte de données pour identifier les secteurs et les métiers en demande est essentiel car nous notons un dialogue de sourds entre les entreprises privées, les collectivités locales et les administrations publiques dans ce domaine. C’est une chose assez aisée à améliorer avec la contribution des outils actuels qu’offrent les TIC et l’Intelligence artificielle ou augmentée.
2. La deuxième initiative sera de développer réellement des formations professionnalisantes : Créer des programmes de formation qui répondent aux besoins spécifiques des entreprises et des secteurs en croissance (Technologie et numérique, Agro-industrie, Energies renouvelables, Santé, Finance et banque, Transport et logistique, Industrie manufacturière, etc. Nous recommandons un Country Graduate Program (programme de préparation de la relève pour nos institutions et nos entreprises). Nous devons sortir des sentiers battus.
3. La troisième initiative est d’encourager l'apprentissage et la formation continue : Cela est possible en mettant en place des programmes de formation continue pour les jeunes et les adultes pour leur permettre de développer de nouvelles compétences. Le FNE (Fonds National de l’Emploi) est le programme idéal pour cette initiative.

AXE II. Renforcer les compétences nécessaires pour les entreprises
1. Le premier point sera de développer des compétences en entreprenariat : C’est vrai que beaucoup de programmes existent déjà mais sont mal conçus à la base ou mal implémentés. Il faut enseigner aux jeunes les compétences nécessaires pour créer et gérer une entreprise.
2. Mettre en place ou renforcer les programmes de mentorat : Nous pensons que si les jeunes sont associés à des professionnels expérimentés pour leur transmettre des compétences et des connaissances, les résultats se feront voir de façon probante avec le concours des autres solutions présentées plus bas.
3. Fournir des ressources pour le développement des compétences : Il faut mettre à disposition des jeunes des ressources telles que des formations, des conseils et des financements pour développer leurs compétences.

AXE III. Améliorer les atouts à présenter par les jeunes
Nous observons une grande incapacité de nos jeunes à être des forces de proposition, nous les avons rendus quémandeur d’emploi, ils ne sont plus fer de lance… Voici à notre avis comment inverser la tendance :
1. Développer des compétences en communication et en présentation : Enseigner aux jeunes comment présenter leurs compétences et leurs expériences de manière efficace.
2. Mettre en place des programmes de stage et de volontariat : Offrir aux jeunes des opportunités de gain d'expérience et de développement de compétences avec des entreprises et administrations partenaires.
3. Créer un réseau de contacts professionnels : Mettre en place un réseau de contacts professionnels pour aider les jeunes à trouver des opportunités d'emploi.

Autres stratégies à développer :
1. Mettre en place des incitations pour les entreprises qui embauchent des jeunes : Offrir de véritables incitations fiscales ou financières aux entreprises qui embauchent des jeunes et veiller à leurs implémentations.
2. Développer des programmes de soutien à l'emploi : Mettre en place des programmes de soutien à l'emploi pour aider les jeunes à trouver un emploi et à le maintenir en renforçant le rôle des organisations comme le FNE.
3. Améliorer l'accès à l'information et aux ressources : Mettre à disposition des jeunes des informations et des ressources pour les aider à trouver un emploi et à développer leurs compétences en les diffusant dans toutes les écoles, universités et grandes écoles privées et publiques.

Quels sont, à votre avis, les leviers d’accompagnement à activer pour encadrer et insérer les jeunes plus durablement sur le marché du travail ?
Les exigences du marché de l’emploi aujourd’hui nécessitent un changement de politique nationale. Nous recommandons :
Premièrement : Etablir des plateformes d’accompagnements individualisés
1. Conseillers d'orientation : Mettre en place de vrais conseillers d'orientation, formés aux réalités actuelles du marché de l’emploi privé, pour aider les jeunes à définir leurs objectifs professionnels et à élaborer un plan d'action dès la base (Ecole secondaire).
2. Coaching : Offrir des séances de coaching pour aider les jeunes à développer leurs compétences et à surmonter les obstacles.
3. Mentorat : Mettre en place des programmes de mentorat pour associer les jeunes à des professionnels expérimentés afin de les impacter.

Deuxièmement : Développer des formations et des programmes de développement des compétences
1. Formations professionnalisantes : Offrir des formations professionnalisantes pour aider les jeunes à acquérir les compétences nécessaires pour le marché du travail.
2. Stagiaires et apprentis : Mettre en place des programmes de stages et d'apprentissage pour aider les jeunes à gagner de l'expérience.
3. Développement des compétences numériques : Programmer des formations pour aider les jeunes à développer leurs compétences numériques est primordial.
Ces programmes sonnent comme existant déjà mais c’est plus visible dans le privé et les ONG, donc à des échelles insignifiantes. Nous préconisons une initiative publique conduite par des professionnels de la gestion des Ressources Humaines.

Troisièmement : Il faut un clair soutien à l'emploi
1. Accompagner à la recherche d’emploi : Offrir des ressources et des outils pour aider les jeunes à trouver un emploi.
2. Soutenir à la création d'entreprise : Mettre en place des programmes de soutien à la création d'entreprise pour aider les jeunes à créer leur propre emploi.
3. Conduire à l'insertion : Offrir des ressources et des outils pour aider les jeunes à s'insérer dans le marché du travail.

Quatrièmement : Création des Partenariats et des réseaux pour accompagner les jeunes
1. Établir des partenariats avec les entreprises pour offrir des opportunités d'emploi et de formation aux jeunes.
2. Mettre en place des réseaux de jeunes professionnels pour les aider à se connecter et à partager leurs expériences.
3. Collaborer avec les institutions internationales et nationales pour offrir des ressources et des services aux jeunes.

Cinquièmement : Suivre et évaluer les programmes en place pour les jeunes
1. Mettre en place un système de suivi pour aider les jeunes à atteindre leurs objectifs.
2. Évaluer les programmes pour s'assurer qu'ils répondent aux besoins des jeunes et des entreprises.
3. Ajuster les stratégies pour améliorer les résultats et atteindre les objectifs fixés initialement. En activant ces leviers pratiques d'accompagnement, il sera plus aisé d'encadrer et d'insérer les jeunes plus durablement dans le marché du travail.

Ces dernières années, le gouvernement a multiplié les annonces et initiatives en faveur des jeunes et des étudiants. Mais beaucoup dénoncent des systèmes de réseautage et « tuyaux » ne permettant pas l’accès équitable à l’information sur les recrutements et l’ouverture de postes dans les entreprises, les administrations. Comment régler cette question pour que chaque jeune méritant puisse se caser quelque part sans intervention extérieure ?
Le problème de l'accès inéquitable des jeunes aux informations sur les recrutements dans les entreprises privées et les administrations publiques est un défi majeur pour l'équité et la transparence dans le processus de recrutement. Nos suggestions pour régler ce problème sont les suivantes :
I. Transparence et diffusion des informations
Nous croyons que les actions suivantes peuvent changer la donne :
1. Créer un portail unique pour les offres d'emploi dans les entreprises privées et les administrations publiques, accessibles à tous les jeunes.
2. Diffuser les informations sur les recrutements dans les médias sociaux, les journaux et les sites web des entreprises et des administrations publiques.
3. Utiliser les réseaux sociaux pour diffuser les informations sur les recrutements et atteindre un public plus large.
II. Égalité d'accès aux informations
Ceci est un gros challenge mais possible à relever avec :
1. Un accès gratuit aux informations : Assurer que les informations sur les recrutements soient accessibles gratuitement à tous les jeunes, sans frais ni inscription.
2. Un Format de présentation accessible : Présenter les informations sur les recrutements dans un format accessible et facile à comprendre pour tous les jeunes.
3. Utilisation des langues locales : Diffuser les informations sur les recrutements dans les langues locales pour atteindre un public plus large.

III. Réforme du processus de recrutement
Le processus de recrutement doit être reformé par des actions telles que :
1. Assurer la transparence des processus de recrutement publics et privés de bout en bout et en garantir l’équité et l’éthique pour tous les candidats.
2. Définir des critères de sélection clairs et objectifs pour les recrutements et les communiquer puis en auditer l’application et les résultats.
3. Évaluer les compétences et les qualifications des candidats de manière objective, éthique et équitable.

IV. Sensibilisation et éducation
Un des points essentiels pour avoir des résultats reste la communication des initiatives. Il faudra donc communiquer en sensibilisant et éduquant les jeunes. De façon concrète il faut :
1. Sensibiliser les jeunes sur l'importance de la transparence et de l'équité dans le processus de recrutement.
2. Éduquer les jeunes sur les compétences et les qualifications nécessaires pour les emplois.
3. Préparer les jeunes au marché du travail en leur enseignant les compétences et les comportements nécessaires pour réussir.
En mettant en œuvre ces suggestions, le problème de l'accès inéquitable des jeunes aux informations sur les recrutements et de promouvoir l'équité et la transparence dans le processus de recrutement va commencer à trouver une solution.

Il y a aussi ce problème d’inadéquation formation – emploi et donc notre système éducatif est accusé de former des chômeurs. Que doit-on y revoir ?
Le problème de l'inadéquation formation-emploi est un défi majeur pour les systèmes éducatifs et les économies. Il peut être réglé en travaillant sur les axes suivants :

I. Améliorer la connaissance du marché du travail
Cela paraît anodin mais nous constatons une absence d’informations fiables pour avoir une politique basée sur les faits réels. L’information c’est le pouvoir et l’Etat doit se doter d’outils permettant cette information. Il faudra pour cela :
1. Réaliser de vraies études de marché pour identifier les besoins en compétences et les tendances du marché du travail en impliquant le privé.
2. Établir un dialogue permanent avec les employeurs pour comprendre leurs besoins et leurs attentes.
3. Créer des réseaux de contacts entre les établissements d'enseignement et les employeurs pour faciliter l'échange d'informations.

II. Réformer les programmes d'enseignement
Nous le crions depuis des années maintenant, notre système éducatif n’est plus en adéquation avec les besoins du marché. Il faudra :
1. Adapter les programmes d'enseignement aux besoins du marché du travail et aux tendances de l'économie nationale et internationale.
2. Intégrer les compétences clés telles que la communication, la collaboration, la résolution de problèmes et la créativité dans les programmes d'enseignement. Ce qui est permettra aux jeunes de savoir vendre leurs atouts une fois sur le marché.
3. Développer la formation professionnelle pour préparer les étudiants à des métiers spécifiques et utiles pour l’économie.

III. Développer les compétences entrepreneuriales
Aujourd’hui, nous savons que l’Etat et les entreprises ne peuvent plus absorber l’ensemble des produits issus des universités, grandes écoles et centres de formation. Il faut donc permettre la création des emplois par l’auto emploi. On devra :
1. Intégrer la formation à l'entrepreneuriat dans les programmes d'enseignement pour encourager les étudiants à créer leur propre emploi.
2. Créer des incubateurs d'entreprises pour aider les étudiants à développer leurs idées et à créer leur propre entreprise.
3. Créer des réseaux de mentors pour aider les jeunes entrepreneurs à développer leurs compétences et à accéder à des ressources.

IV. Améliorer la transition école-emploi
Une des grandes difficultés rencontrées par nos jeunes est liée à la transition de l’école vers le monde de l’emploi. Pour y remédier nous proposons de :
1. Encourager et contraindre les stages académiques, professionnels et pré-emploi pour aider les étudiants à acquérir de l'expérience professionnelle et à développer leurs compétences.
2. Développer l'alternance pour permettre aux étudiants de combiner la formation théorique et la pratique professionnelle. On a déjà certaines écoles qui proposent ces programmes mais avec un coup de pouce de l’Etat les résultats seront plus probants.
3. Créer des réseaux de contacts entre les établissements d'enseignement publics et privés et les employeurs pour faciliter la transition école-emploi.

V. Évaluer et ajuster au fur et à mesure
Tout ce que nous venons de dire ne sera efficient que s’il y a un suivi rigoureux. Il est possible si l’on va :
1. Évaluer régulièrement les programmes d'enseignement pour s'assurer qu'ils répondent aux besoins du marché du travail.
2. Ajuster les programmes d'enseignement en fonction des résultats de l'évaluation et des besoins du marché du travail.
3. Établir des partenariats avec les employeurs et les organisations professionnelles pour s'assurer que les programmes d'enseignement répondent aux besoins du marché du travail.
En mettant en œuvre ces suggestions, il est possible de régler le problème de l'inadéquation formation-emploi et de produire des candidats employables qui répondent aux besoins du marché du travail.

L’entrepreneuriat est souvent présenté comme un des leviers pour lutter contre le chômage des jeunes. Est-ce réaliste quand on sait que la plupart des jeunes sont confrontés aux difficultés d’accès aux financements, aussi créatifs soient-ils ?
Oui, oui et oui l’entrepreneuriat est une solution pour réduire le chômage voir l’annuler et c’est vrai qu’un des plus gros problèmes de l’auto-emploi est l’accès aux financements. Pour permettre l'accès facile aux solutions de financement et aux facilités administratives et fiscales pour les jeunes camerounais, voici quelques suggestions :

1. Création d'une vraie banque de développement pour les jeunes entrepreneurs : Créer une banque spécialisée qui offre des prêts et des financements aux jeunes entre...

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