« Il faudrait que la fiscalité locale soit opérationnelle »
- Par Yvan BOUNOUNG
- 08 Dec 2025 12:46
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Eloi Gabriel Essoa, administrateur civil principal, ancien préfet.
Six ans déjà que la décentralisation a connu un coup d’accélérateur avec l’arrivée du Code général des collectivités territoriales décentralisées et les outils nécessaires à son implémentation. Quelle appréciation faites-vous à date de la mise en œuvre du processus ?
L’appréciation que je peux d’emblée faire est positive. Mais je dois d'abord dire que le processus de décentralisation a commencé avant les indépendances et a évolué au fil du temps. Ceci, pour permettre un meilleur encadrement au niveau des arrondissements et des départements. On a senti qu'il y avait un besoin de coordination au niveau de la région et à partir de 2019, les régions ont été créées, et le transfert de compétences par plusieurs départements ministériels aux collectivités territoriales décentralisées (CTD) a aussi commencé. L’objectif étant de leur permettre, parce que plus rapprochées des populations, d'adresser leurs problèmes avec plus de pertinence. Donc, nous pouvons dire qu'à l'heure actuelle, avec les lois de 2019, nous sommes entrés à la vitesse supérieure.
Et l'institution qui nous intéresse le plus en ce moment-ci, c'est la région. La région également a reçu d'énormes attributions qui ont été transférées par les différents départements ministériels. Et il y a également eu la loi sur la fiscalité locale qui permet de préciser maintenant quelles sont les ressources qui devraient revenir aux communes, celles qui reviennent aux communautés urbaines, ainsi que celles qui appartiennent aux régions. Maintenant, ce ne sont que les textes d'application de ces différentes lois qui sont attendus pour permettre effectivement aux CTD de commencer à recevoir les moyens de travail avec lesquels ils vont travailler, en fonction des plans de développement qu'ils auront arrêtés. Globalement, le processus évolue bien. Il a même connu un coup d'accélérateur très important que nous devons apprécier. Il est juste attendu et nous croyons que d'ici peu, les textes d'application de ces différents textes sur la fiscalité locale seront signés pour permettre aux différentes collectivités d'entrer pleinement dans leur activité. Et là, les maçons seront jugés au pied du mur.
Les populations se plaignent de ne pas percevoir le développement local que devrait induire la décentralisation. Comment, d'après vous, peut-on rendre les choses plus concrètes ?
Je dois quand même relativiser cette plainte parce que les communes font déjà un excellent travail de proximité sur le terrain. L’entretien régulier des routes, la construction des points d'eau, l'électrification sont de mise, etc. Mais, avec les besoins qui grandissent avec la pression démographique, on croit que rien n'est fait. L’autre chose est que les CTD n'ont pas suffisamment d'argent, en dépit de toutes les ambitions qu’ont les exécutifs municipaux, ils continuent de fonctionner à mi-régime. Ainsi, pour rendre davantage les choses concrètes, il faut que la fiscalité locale soit opérationnelle, que les moyens nécessaires que doit transférer l’administration centrale soient mis à la disposition des élus locaux et qu'on leur fasse confiance. En dehors des moyens financiers, il y a également les moyens humains. Il est prévu effectivement que l'Etat, qui a le personnel le mieux formé, transfère également un certain nombre de cadres, d'ingénieurs aux collectivités pour leur permettre de travailler efficacement. Quand il y aura cette conjonction des moyens financiers, des moyens humains et des personnes soucieuses de l'intérêt général, les objectifs que la nation a assignés aux élus locaux pourront être atteints.
Théoriquement, les compétences ont été transférées aux collectivités territoriales décentralisées. Mais il persiste une impression de centralisation à outrance. Pourquoi ?
La construction d’un Etat est un processus. Elle est donc graduelle. Un certain nombre d’activités qui naguère relevaient des services centraux sont transférées aux CTD, selon le principe de progressivité. Ce transfert comporte trois aspects : le transfert des compétences, des ressources humaines qui vont exercer ces compétences, et enfin le transfert des ressources financières. En ce moment, cela est en train de se faire, le processus est en marche. Quoique lent pour certains, il avance graduellement pour permettre à tous les acteurs d’apprivoiser le processus. Il faut donc être patient afin de permettre que la maturation arrive à son terme. Le principe de décentralisation étant aujourd’hui irrévocable, il avance en s’améliorant, et se fait méthodiquement.
Le modèle de transfert des ressources appliqué au Cameroun est-il vraiment de nature à assurer une autonomisation des collectivités locales ?
Il faut d’abord dire que le modèle de décentralisation choisi au Cameroun est avant-gardiste. Car, il procède du double héritage historique du pays associé à l’être des Camerounais. En soi, le modèle de transfert mis en place ne pose pas problème, il faut seulement intégrer le rythme auquel le transfert de ressources se fait et qu’il s’effectue en fonction des disponibilités, des priorités de l’Etat et des compétences humaines disponibles au niveau des collectivités locales. Mais, il faut surtout noter que l’autonomisation de ces entités dépend en grande partie d’elles-mêmes, de leur capacité à générer des fonds. D’où, une fois encore, l’urgence des textes d’application et d’une meilleure appropriation et opérationnalisation de la loi sur la fiscalité locale.
Sinon, que proposeriez-vous à cet effet ?
Je crois qu'il y a beaucoup de retard dans l'arrivée des fonds transférés aux collectivités. Ceux-ci sont même souvent en déphasage avec les conseils municipaux qui votent leurs budgets à une date, et les fonds arrivent à une autre. En ce temps-là, il devient difficile pour les collectivités de faire une planification pour pouvoir résoudre un problème de manière pertinente. Notre suggestion va dans le sens de la correction de ces retards. Ma doléance va aussi dans le sens de l’autonomisation urgente des CTD. Pour cela, il faut faire en sorte que les communes et les régions soient à même de collecter elles-mêmes leurs taxes et impôts ; que ceux qui sont jusque-là collectés par l&rsquo...
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