Paul Biya, la voix de l’Afrique

Alors que les lampions s’éteignaient sur le second Sommet Russie/Afrique dans la sublime et romantique Saint-Pétersbourg, au terme de deux journées intenses de discours, d’échanges et de conciliabules, le Cameroun, l’Afrique et le monde réalisaient, médusés, qu’ils avaient assisté par médias interposés, à un petit déplacement de plaques tectoniques dans la diplomatie mondiale. En effet, admettons d’emblée que la tenue même de ce Sommet paraissait hypothéquée par la mise en garde, les menaces à peine voilées des pays occidentaux aux plénipotentiaires africains.
Il aura fallu à ceux qui s’y sont aventurés dans un tel contexte un sens affirmé de l’intérêt national, et du cœur ! En outre, ce Sommet a été le lieu d’une parole libre et libérée, loin des circonlocutions diplomatiques, sur le contexte international délétère, voire explosif à plus d’un titre, et sur les attentes de l’Afrique, qui peuvent se résumer ainsi : 60 ans après les indépendances, et un parcours global mitigé, qui n’a pas sorti le continent de la pauvreté endémique, l’Afrique n’est pas à la recherche de nouveaux maîtres, mais d’un nouveau partenariat gagnant-gagnant, qui lui donne les clés pour se hisser au rang de puissance économique à la voix audible sur la scène internationale. Bien plus : elle revendique le droit de choisir ses partenaires et de les diversifier au mieux de ses propres intérêts.
On ne le dira jamais assez : les dirigeants africains ne commercent pas avec la Russie de Vladimir Poutine pour ses beaux yeux, ni par bravade, mais parce que chacun à sa manière pense trouver dans cette relation une réponse appropriée à une question lancinante surgie dans l’équation du développement de son pays. Qu’elle soit économique, sécuritaire ou humanitaire, c’est leur devoir d’élus du peuple d’y apporter les solutions les plus adéquates. C’est également leur droit de chercher ces solutions dans les partenariats de leur choix, comme le font les autres dirigeants du monde. Pourquoi ce qui est admis ailleurs serait-il interdit à l’Afrique ? Seule une conception néocoloniale et paternaliste de l’Afrique lui dénierait aujourd’hui le droit de choisir ses partenaires. Ce déni de souveraineté, comme on peut en faire le constat, provoque le courroux et la révolte chez les jeunes générations africaines, lassées que l’Afrique soit toujours considérée comme un continent à la remorque, entièrement à part. Alors même qu’elle travaille d’arrache-pied à son émergence économique, malgré les nombreux obstacles, parmi lesquels l’iniquité des termes de l’échange sur le marché international, la faiblesse du commerce intrafricain, le terrorisme et l’instabilité, la pénurie des ressources humaines qualifiées, et les difficiles conditionnalités du financement de l’économie.
C’est là qu’intervient le président du Cameroun, Paul Biya, pour donner à ce Sommet, au-delà des polémiques stériles, par sa présence à Saint-Pétersbourg, par son expérience et ses faits d’armes politiques, du haut de sa stature de sage, des clés de compréhension possibles, porteuses d’espoir et de confiance en l’avenir. On peut en effet imaginer les Africains perdus ou sceptiques devant ce Sommet de Saint-Pétersbourg tant ostracisé, raillé et déformé dans les médias occidentaux. Et pourtant, la présence des chefs d’Etat africains sur le sol russe constitue un important acte d’affirmation de soi dans le contexte actuel.
Dès sa prise de parole au nom des chefs d’Etat africains, Paul Biya rétablit les faits : la Russie ne représente pas pour l’Afrique un ami de circonstance, mais un partenaire de longue date envers qui elle a une dette de reconnaissance pour son soutien aux luttes de libération coloniale. Et d’enfourcher son cheval de bataille habituel, son combat d’une vie. Sa vision d’homme d’Etat depuis l’aube de son premier mandat, c’est en effet de travailler à l’avènement d’un Cameroun et d’une Afrique prospères et démocratiques. Pour ce faire, il a foi en l’engagement individuel, mais aussi en la coopération, la solidarité inter-nations. Le retard de développement, la démocratisation et l’épineuse question de la sécurité ne peuvent en effet trouver des réponses fortes que dans une coopération tous azimuts. Or, comment financer le développement alors que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale sont perçus comme peu flexibles et inadaptés aux besoins spécifiques de l’Afrique, selon les déclarations même de certains chefs d’Etat africains au Sommet de Paris sur un Nouveau pacte financier mondial ? Il est clair que des pistes innovantes doivent être déblayées. Et aucun Sommet n’est de trop dans la perspective de nourrir cette réflexion vitale, même si elle est avant tout à la charge des Africains eux-mêmes.
Cette parole n’est pourtant pas nouvelle. Paul Biya porte la voix de l’Afrique depuis toujours, avec une tonalité particulière, dans toutes les tribunes où il est invité, prônant et donnant l’exemple d’un certain esprit d’indépendance, martelant la nécessité d’une diversification des partenaires au développement, dans une vision de pragmatisme et d’optimisation.
C’est bien lui qui avait déclaré en Allemagne, en 1986 : « Le Cameroun n’est la chasse gardée de personne », et qui par la suite, s’est tissé de nouveaux liens avec la Chine et les nouveaux pays émergents, sans renier ses alliés traditionnels. C’est le même qui s’est exprimé au Sommet Etats-Unis-Afrique de Washington le 12 décembre 2022, en plaidant pour des instruments de financement propres à l’Afrique. Le même qui a suivi avec grand intérêt à Paris les échanges des leaders mondiaux sur la finance, et qui a pris la parole à Saint-Pétersbourg vendredi dernier au nom de ses pairs, pour plaider en faveur d’un renforcement des liens multiformes avec la Russie.
Seuls les esprits étriqués y verront de la contrad...

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